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/ Numéro hors-série "Pandémie, vies humaines" Le temps du confinement

Foyer de contagion

par Sarcignan


Depuis le Haut-Rhin, Ă  deux pas de l’Allemagne, la chronique de Sarcignan, photographe et auteur.

par Sarcignan

Journal du 16 mars au 11 mai

Lymphocyte, journal Ă  partir du 12 mai : c’est par ici

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50e, 40e, 30e, 20e, 10e, 1er jour

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57e jour – lundi 11 mai

RĂ©veillĂ© en mĂȘme temps que CB, je descend prendre mon cafĂ©. Elle s’en va, je reste. Les infos ne parlent que de travail et d’école. Je vais me recoucher aprĂšs avoir relu la nouvelle des 10 ans. Plus tard, je fais un courrier pour le dĂ©tenu C puis surfe sur le site MDA oĂč, suite aux rĂ©sultats du jeu n°180, fleurissent les commentaires et les critiques constructives.

Je rédige la chronique du 55e et dernier (à ce jour) jour de confinement général en France.

AprĂšs un frugal repas, ma fille et moi faisons le mĂ©nage : CB rentrera tĂŽt pour peindre et il faut que tout soit sec !

Ensuite je relis une « ancienne Â» nouvelle, « Dans les limbes Â» (Ă©crite en juillet 2019), que j’envoie dans la foulĂ©e Ă  la revue romande « 5e saison Â» dont l’appel Ă  texte pour le 12e numĂ©ro a pour thĂšme « Peau d’ñme Â».

Maintenant, il faut que je dĂ©cide de mon prochain travail d’auteur. Écrire une nouvelle histoire ? Modifier des « anciennes Â» ?

Il va falloir faire les deux de toute façon : j’ai retenu onze Ă©chĂ©ances de concours et appels Ă  textes entre le 28 mai et le 1er juin !

Pour 4 d’entre elles, j’ai des textes adaptables. Pour 7, je n’ai rien. Parmi celles-ci, deux m’intĂ©ressent. L’une parce que ce serait l’occasion de me faire connaĂźtre chez un Ă©diteur potentiel. L’autre, parce que cela pourrait renforcer mes liens naissants avec un autre Ă©diteur. Calculateur, moi ? A peine !

DĂšs le retour de CB, nous sortons par temps humide et froid, marchons jusqu’à la mairie pour y laisser un formulaire de demande de masques que nous avons complĂ©tĂ© aprĂšs l’avoir trouvĂ© dans la boite-aux-lettres. FrigorifiĂ©, j’écourte la balade : une demi-heure suffira, pour une fois ! Finalement, mon Ă©pouse ne peint pas.

AprĂšs un poulet rĂŽti au four (avec patates pour CB, fenouil cuit pour moi), nous regardons un nouvel Ă©pisode de « Dix pour cent Â», sĂ©rie dont la lĂ©gĂšretĂ© nous plaĂźt toujours. Je me couche en mĂȘme temps que CB : demain matin, je sors !

Photographie : Il pleut, il mouille, c’est la fĂȘte aux grenouilles, chante la poule mouillĂ©e.

56e jour – dimanche 10 mai, 39 ans !

Je me lĂšve Ă  7h et lance cafĂ©, thĂ© et une machine de linge couleur (le rouge et le noir) en route. Il fait gris et sec, il ne devrait pas pleuvoir avant la fin d’aprĂšs-midi.

Le sud-ouest est en alerte orange pour les orages, j’ai une pensĂ©e pour nos familles.

Sur le site de « Pourtant… Â», Gilles n’a plus mis mes chroniques en ligne depuis celle du 5 mai et n’a rien Ă©crit sur sa page (https://www.pourtant.fr/a-residence/) depuis la mĂȘme date. J’espĂšre qu’il va bien.(*)

C’est le dernier jour avant le dĂ©confinement. J’imagine que la semaine prochaine va ĂȘtre hystĂ©rique en terme de traitement de l’information. Faisons le point :

Un gouvernement dĂ©bordĂ©, un prĂ©sident qui n’est plus en phase avec la rĂ©alitĂ©, des syndicats aux ƓillĂšres de plus en plus grandes, des partis politiques obsolĂštes, une Ă©conomie dĂ©boussolĂ©e qui voudrait que tout redevienne comme avant (si possible en plus libĂ©ral), des populations excĂ©dĂ©es, gavĂ©es de connerie par les chaĂźnes d’infos continue et les rĂ©seaux sociaux
 Je sens que je n’ai pas fini de bougonner dans mon coin au fur et Ă  mesure que la rĂ©alitĂ© sera plus Ă©tonnante et plus dĂ©lirante que les petites histoires que je peine Ă  Ă©crire !

Les rĂ©sultats du jeu n°180 du site « Maux d’auteurs Â» sont affichĂ©s depuis hier (https://www.forum-mda.com/t10206-Les-resultats-du-jeu-N-180.htm). Ma nouvelle « La boucle du temps Â» est arrivĂ©e en 3e position sur 18. La premiĂšre et la deuxiĂšme place Ă©tant prises par des textes qui lui sont bien supĂ©rieurs, je n’ai aucun regret. Maintenant arrive le temps des « critiques constructives Â» : chacun porte une apprĂ©ciation sur chacune des nouvelles en lice. C’est long Ă  faire, mais trĂšs enrichissant. Je publie trois premiĂšres contributions.

Le soleil finit par arriver. Il y a toujours du vent. A 11h, pendant que CB fait un gĂąteau Ă  la rhubarbe, je tonds les herbes du jardin : ce sera fait avant la pluie. Par la suite, CB passe un coup de rotofil dans les coins. Nous sommes parĂ©s !

AprĂšs avoir ramassĂ© le linge sec, je lance un BBQ, le dernier avant quelques jours si les prĂ©visions s’avĂšrent fiables. A deux maisons de la notre, deux parents furieux engueulent un ou des enfants.

AprĂšs avoir lu, dans mon cabinet de lecture (voir photo), quelques pages de « Rage noire Â» de Jim Thompson (1972, d’une terrible violence psychologique et assez cru), je me remets Ă  l’écriture de la nouvelle « 10 ans Â».

Entre 15 et 16h, CB tĂ©lĂ©phone Ă  sa mĂšre et Ă  sa sƓur ; puis nous partons en promenade. Pour une fois, et pour ce dernier jour du (premier ?) confinement, nous changeons d’itinĂ©raire, quitte Ă  outrepasser la limite d’un kilomĂštre. Nous prĂ©fĂ©rons nous enfoncer dans la forĂȘt que de respirer les poussiĂšres soulevĂ©es par les engins agricoles et balayĂ©es par les rafales de vent. Seule S rouspĂšte : elle n’aime pas les insectes qui nous frĂŽlent le visage et les plantes qui nous piquent les chevilles !

Au retour, je goûte et je vais à la douche pendant que CB attaque à son tour le repassage.

Nous nous prĂ©parons un bon repas. Pour fĂȘter le dernier jour du confinement ? CB rĂ©pond que c’est pour les 39 ans de la premiĂšre Ă©lection de Mitterrand. Nous avions 17 ans


Nous mangeons en terrasse une excellente basse-cĂŽte avec pommes de terre sautĂ©es et salade verte, suivis d’une grosse part de gĂąteau Ă  la rhubarbe. Mon rĂ©gime prend une claque et demain, tout nu, je pleurerai debout sur ma bascule impitoyable.

Au-dessus des Vosges de gros nuages s’amoncellent. Je range la terrasse, protĂšge le BBQ et couche les chaises : ce soir et cette nuit, orage et rafales de vent sont attendus.

Nous regardons le 3e Ă©pisode de « Dix pour cent Â», avec en guest-stars Laura Smet et Nathalie Baye. Plus tard, je me remets Ă  la nouvelle des 10 ans, qui dĂ©borde maintenant largement les 5 000 caractĂšres imposĂ©s. J’en fais un version plus courte pour le jeu. Et j’ai dĂ©jĂ  ma petite idĂ©e pour la version longue : un concours pour lequel je n’avais rien Ă  prĂ©senter
 jusqu’à prĂ©sent !

Photo : Mon cabinet de lecture. La statuette a Ă©tĂ© choisie par ma fille quand elle Ă©tait petite et dĂ©jĂ  insolente !

(*) Note de l’Ă©diteur : oui, 3 jours trĂšs chargĂ©s, oĂč notre comitĂ© de lecture a terminĂ© le choix des textes du n°1 de Pourtant, choisi l’imprimeur et fixĂ© le prix et mis en place l’abonnement Ă  la revue Pourtant.

55e jour – samedi 9 mai

AprĂšs une bonne nuit et une grasse matinĂ©e, CB part faire des courses Ă  Soultz. La pluie ne s’annonçant toujours pas, j’arrose les plantes du jardin et du potager car il fait dĂ©jĂ  beau et chaud.

Je reviens sur ma dĂ©cision de ne faire qu’une cafetiĂšre par jour car, depuis, CB (en week-end) et S (dans son lait du petit-dĂ©jeuner) se sont mises Ă  en boire.

AprĂšs le BBQ, difficile Ă  dĂ©marrer Ă  cause des rafales de vent, j’attaque pĂ©niblement le texte pour les 10 ans du site MDA. J’ai une trĂšs bonne idĂ©e de ce que je veux obtenir, mais les mots ne viennent que de façon laborieuse. Il y a 30 ans, la premiĂšre fois que je me suis lancĂ© dans l’écriture, c’est ce qui m’avait poussĂ© Ă  arrĂȘter : la pĂ©nibilitĂ© de l’écriture. Je voulais que tout arrive de façon fluide. Aujourd’hui, je sais me forcer Ă  Ă©crire malgrĂ© tout. Il en reste toujours quelque chose que je peux retravailler par la suite. Je jette donc quelques centaines de signes, dessinant la structure de l’histoire et les premiĂšres phrases provisoires. Le titre de la nouvelle a dĂ©jĂ  changĂ© 3 fois quand je m’arrĂȘte pour prendre mon « goĂ»ter Â» : une barre de cĂ©rĂ©ales protĂ©inĂ©e fournie au prix du caviar par le cabinet de diĂ©tĂ©tique qui m’accompagne dans mon rĂ©gime.

Nous avions prĂ©vu la promenade Ă  16h00 mais CB se lance dans une longue conversation tĂ©lĂ©phonique avec son amie de Bordeaux, celle qui est cadre supĂ©rieur au CHU de Bordeaux. Nous partons donc vers 17h00. Il y a beaucoup de vent et nous abandonnons vite notre itinĂ©raire au milieu des champs, traversĂ©s par des nuages de poussiĂšre ! Nous continuons dans le village puis en lisiĂšre de forĂȘt, oĂč je salue – comme c’est devenu une habitude, les arbres et les animaux de la part du dĂ©tenu C. En marchant, CB me fait part d’un message de son frĂšre. Il habite en Bretagne et prend de nos nouvelles en lisant les Â« chroniques du Foyer de contamination Â». 

Le soir, aprĂšs le BBQ, nous regardons les dĂ©buts de Â« Docteur Â», comĂ©die avec Michel Blanc, « Jeanette Â» et « Jeanne Â», deux films du captivant Bruno Dumont (CB dit que ses films doivent ĂȘtre vus au cinĂ©ma : Ă  la maison, on a vite envie de faire autre chose !) Finalement nous nous mettons d’accord sur le joli film Â« L’incroyable histoire du facteur Cheval Â», de Nils Tavernier avec Gamblin et Casta.

Au moment de clore cette chronique, je me souviens qu’un lecteur assidu a posĂ© la question : mais quand faites-vous l’amour ? Cela ouvre le thĂšme de la sexualitĂ© en temps de confinement. On se doute dĂ©jĂ  qu’il pourrait y avoir un sursaut de natalitĂ© dans 7 Ă  9 mois ! 

Ce ne sera pas notre cas : bien que jeunes mariĂ©s, nous avons largement passĂ© l’ñge de la reproduction et nous ne faisons l’amour que pour le plaisir. Ce qui a changĂ© pour nous, c’est :

— le retour de ma fille Ă  la maison, ce qui rĂ©duit notre terrain de jeux Ă  la seule chambre Ă  coucher ;

— la fatigue de CB qui fait que nous sommes devenus « du matin Â» alors que nous Ă©tions plutĂŽt « du soir Â» ! Le week-end, par contre


D’autres questions ?

Photographie : Une autre vue de notre jardin cĂŽtĂ© rue : le figuier et la roue de charrette. 

54e jour – vendredi 8 mai

AprĂšs une matinĂ©e plus grasse que d’habitude, nous nous levons tout de mĂȘme : aujourd’hui doit se produire l’opĂ©ration du transfert de la valise de G, ma collĂšgue hospitalisĂ©e. CB se rend chez elle oĂč le compagnon de G, qui a leurs trois marmots sur les bras, lui remet ladite valise. CB part ensuite Ă  Colmar la dĂ©poser dans le service.. RestĂ© Ă  la maison, je suis en charge de transmettre aux unes et aux autres les SMS Ă©ventuels.

L’éditeur JFE accuse rĂ©ception de mes propositions de photos de graffitis sexuels
 il se dĂ©clare surpris et indique que l’artiste photographe en charge du projet sera seule juge !

Aprùs l’avoir soigneusement verni, CB accroche son totem sur l’un des murs du salon. Il a fiùre allure.

Nous nous promenons de bonne heure, dans le village et le long du Quatelbach. Ensuite, j’attaque une Ă©norme pile de repassage pendant que CB fait des croquis pour son prochain totem.

Le soir, nous regardons le dĂ©but du film « Beau-Parents Â» avec Balasko, Bourdon, BĂ©nabar. Cela nous lasse trĂšs vite et nous regardons l’excellent « Blanche comme neige Â» de la non moins excellent rĂ©alisatrice Anne Fontaine. Distribution au top, histoire entre innocence et perversitĂ©, humour dĂ©calé  tout ce que j’aime. Et CB aussi !

Photographie : Comme dit un (rĂ©cent) dicton alsacien, « La cigogne se fout du confinement. Â»

53e jour – jeudi 7 mai

AprĂšs une bonne nuit de sommeil, nous sommes tirĂ©s du lit par le rĂ©veil de CB qui doit partir au combat quotidien. Les soignantes* fatiguĂ©es se font de moins en moins d’illusion sur « l’aprĂšs Â» : elles ne seront pas valorisĂ©es dans leur mĂ©tier, leur hiĂ©rarchie leur demandera de nouveau de remplir les tableaux de statistiques plutĂŽt que d’ĂȘtre auprĂšs des patients.

Le beau temps se maintient avec insolence. Il est toutefois annoncĂ© un coup de froid pour le 11 mai. Tu m’étonnes.

Alors que je prĂ©pare un courriel pour mon chef, je reçois un message d’une collĂšgue qui m’envoie un nouveau courrier du dĂ©tenu C et m’annonce que la collĂšgue qui partage mon bureau est hospitalisĂ©e en urgence pour un problĂšme non liĂ© au Covid-19.

Pour le 2e jour de suite, j’ai du mal Ă  me mettre Ă  Ă©crire (en dehors de la chronique). Il faut pourtant que j’attaque la nouvelle pour les 10 ans du site MDA. J’ai tout ce qu’il faut, yapuka. Mais je prĂ©fĂšre aller me recoucher. C’est pas encore ça, le rythme idĂ©al de sommeil !

Nouvel appel de ma collĂšgue : elle me demande si, avec l’aide de CB, il serait possible de faire passer une valise Ă  notre collĂšgue hospitalisĂ©e qui est partie sans rien. Je contacte CB qui accepte de faire ça demain matin. C’est elle qui va se coltiner le travail : elle seule a un laisser-passer valide en cas de contrĂŽle !

Dans l’aprĂšs-midi, je reçois mes trois exemplaires du numĂ©ro 3 de la revue Â« La clartĂ© sombre des rĂ©verbĂšres Â» : un pour moi et les autres pour des amis qui ont groupĂ© leur commande avec la mienne. La revue est magnifique. Couverture bicolore, cent pages en grand format pleines de textes et d’illustrations. Ma photographie est bien exposĂ©e, en pleine page. Mon texte « Ă‰mancipation Â» est bien situĂ©, partageant une page avec une photographie amusante. HĂ©las, il est signĂ© de mon pseudo de photographe et non de mon nom d’auteur. 

Pendant la marche, nous Ă©changeons des appels tĂ©lĂ©phoniques avec mes collĂšgues pour mettre au point le transfert de la valise (ça fait roman d’espionnage, non ?). Cela nous ralentit et ma fille, lassĂ©e d’attendre, disparaĂźt bientĂŽt Ă  l’horizon !

Au retour, je fais griller deux magrets marinĂ©s que nous mangeons avec une grosse salade. CB a apportĂ© un dessert pour S et moi : le gĂąteau chocolat-banane de son repas de midi Ă  l’hĂŽpital. Pas mauvais!

Le soir, interpellĂ©s par la grosse promotion faite sur France Inter et TĂ©lĂ©rama.fr, nous regardons un Ă©pisode et demi de Â« L’agent immobilier Â», avec Almaric dans le rĂŽle titre. Nous dĂ©cidons de ne pas regarder la suite : c’est un peu lourd pour la saison

Pour finir, je travaille une série de photographies de graffitis à caractÚre sexuel, pour proposer à la collection Carré Noir des éditions JFE.

* Je dĂ©cide de fĂ©miniser le terme, vu que les femmes sont largement majoritaires sur le terrain. Les hommes se contentent de parler dans les mĂ©dias, d’assurer les postes de direction et d’avoir les meilleurs salaires.

Photographie : Un recueil de 64 photos comme celle-lĂ , ça plairait, non ? Ah, bon.

52e jour – mercredi 6 mai

Enfin une bonne nuit de sommeil. Je me rĂ©veille bien aprĂšs que CB soit partie. Elle a fait du cafĂ© et m’a laissĂ© un muffin au chocolat noir, un don qu’elle a rçu de s‘dlanoDcM, la veille Ă  l’hĂŽpital. Je me rĂ©gale – bien sĂ»r, j’ai honte parce que c’est de la malbouffe, mais pas au point de refuser : j’adore le chocolat noir, dont je suis en manque depuis des mois que je suis au rĂ©gime ! 

Compensation morale : j’ai encore perdu du poids. Je suis en dessous de 82kg pour la premiĂšre fois depuis
 2010 ! Plus que 7kg pour atteindre mon objectif.

J’ai des Ă©changes tĂ©lĂ©phoniques avec mes collĂšgues puis mon chef. L’Administration pĂ©nitentiaire repousse la reprise des personnes vulnĂ©rables d’une semaine aprĂšs le dĂ©confinement « officiel Â», soit le 18 mai. Mon supĂ©rieur me demande d’obtenir d’ici lĂ  un certificat mĂ©dical autorisant la reprise et indiquant les Ă©ventuelles contraintes spĂ©cifiques (port du masque, horaires, interactions avec le public dĂ©tenu et les collĂšgues, etc.) Le secrĂ©tariat de mon mĂ©decin propose un rendez-vous pour le soir mĂȘme. Le praticien me rappelle peu aprĂšs pour faire le point : il aurait plutĂŽt tendance Ă  me maintenir Ă  domicile en attendant que la situation globale Ă©volue. Je lui dis que je souhaite en parler de vive voix avec lui et nous maintenons le rendez-vous de fin de journĂ©e.

En milieu d’aprĂšs-midi je prends mon vĂ©lo pour aller Ă  la poste du bourg d’à cĂŽtĂ©, le relais de mon village Ă©tant fermĂ©. Je fais la queue dans la rue pendant une petite heure. Personne ne s’énerve, les distances sont respectĂ©es. Je profite du soleil.

Au retour de CB nous allons ensemble voir mon mĂ©decin, qui finalement dĂ©cide de me maintenir en isolement pendant les deux semaines qui suivront le « dĂ©confinement officiel Â», pour voir comment cela se passe. Le risque d’un rebond des contaminations n’est pas exclu, avec une nouvelle saturation des hĂŽpitaux. Nous faisons la promenade tous les trois. CB passe beaucoup de temps au tĂ©lĂ©phone avec ses frĂšres et sƓurs pour parler de la santĂ© de leur mĂšre.

AprĂšs une cĂŽte de bƓuf grillĂ©e au BBQ (dĂ©gustĂ©e Ă  l’intĂ©rieur car la fraĂźcheur arrive vite), j’ai DN au tĂ©lĂ©phone pour ses corrections de la nouvelle sur les voyages dans le temps. Il ne reste plus qu’à l’imprimer et l’envoyer par courrier. Ensuite CB et moi regardons « Diplomatie Â», excellent film de l’excellent Volker Schlöndorff avec les non-moins excellents Niels Arestrup et AndrĂ© Dussolier.

Photographie : Un de ces endroits devant lesquels nous passons chaque jour. Jusqu’à en perdre le goĂ»t ?

51e jour – mardi 5 mai, au bord de l’Ill

Je me rĂ©veille vers 4h30, je me lĂšve et allume l’ordinateur pour rĂ©Ă©crire les Gooseneck et donner un nouveau titre. Le titre d’une nouvelle est un Ă©lĂ©ment extrĂȘmement important et peut donner toute sa saveur Ă  un texte. TrĂšs souvent, sauf si j’ai eu une illumination dĂšs le dĂ©but, je change le titre d’une nouvelle Ă  plusieurs reprises en cours d’écriture.

Journal de confinement de Sarcignan

Inquiet de mes nuits courtes et hachĂ©es, je dĂ©cide de limiter ma consommation de dĂ©ca Ă  1 cafetiĂšre par jour, et uniquement le matin : le dĂ©ca contient de la cafĂ©ine, mĂȘme en faible quantitĂ©, et j’y suis trĂšs sensible.

Je vais me recoucher un peu avant que le rĂ©veil de CB ne sonne. Nous nous levons ensemble pour le petit dĂ©jeuner. Elle a reçu de mauvaises nouvelles de sa mĂšre qui continue Ă  s’affaiblir.

Il fait gris, venteux, il pleuviote. Je continue Ă  modifier les Gooseneck, puis rĂ©dige la chronique de lundi, 50e jour. Cinquante ! Ce que nous vivons est tellement bizarre


Je passe une grande partie de la journĂ©e Ă  travailler des photographies pour les passer en noir et blanc et leur donner un format carrĂ©. C’est long, mais j’aime ça : comment transformer une photo tout en lui donnant du sens ! Le recadrage doit ĂȘtre judicieux.

J’ai quelques Ă©changes tĂ©lĂ©phoniques avec mes collĂšgues pour le travail. Elles me disent que mon chef ne devrait pas tarder Ă  m’appeler pour parler de ma reprise et me conseillent de prendre rendez-vous chez mon mĂ©decin pour avoir son avis. J’obtiens une consultation pour demain Ă  17h10.

CB rentre Ă©puisĂ©e. Nous marchons une demi-heure jusqu’au bourg pour voir si le relais de la Poste est ouvert : il ne l’est pas. 

AprĂšs le repas, nous corrigeons ensemble les Gooseneck et la chronique du lundi pour « Pourtant… Â» avant de regarder un deuxiĂšme Ă©pisode de « Dix pour cent Â».

Photographie : En se promenant au bord de l’Ill, on croise canards, corneilles, hĂ©rons, milans et cygnes.

50e jour… lundi 4 mai

Le nombre de décÚs liées au coronavirus en France est désormais supérieur à 25 000. Il reste une semaine avant la date fixée pour déconfinement.

Aujourd’hui, c’est :

— l’anniversaire de ma mĂšre, je lui envoie un mail avec des nouvelles de nous trois. Je suppose qu’elle ne rĂ©pondra pas.

— jour de mĂ©nage. Plumeau, aspirateur, lessives, dĂ©bouchage du lavabo obstruĂ© par les longs cheveux de ma fille. Fille aprĂšs laquelle je m’énerve : elle est censĂ©e participer au mĂ©nage mais elle le fait vite et mal. 

Il fait encore une fois grand soleil. Je reste sur mon ordinateur Ă  travailler une sĂ©rie de photos que je compte proposer pour la nouvelle collection que lance l’éditeur Jacques Flament : des petits livres carrĂ©s (13×13 cm) Ă  prix Ă©conomique. Signe encourageant : il faut des sĂ©ries de 64 et c’est mon nombre fĂ©tiche !

En rentrant du travail, CB prĂ©pare un fondant au chocolat. DĂšs qu’il est sorti du four, nous allons nous promener. Alors que je quitte le chemin pour aller baptiser un arbre, j’aperçois une carte d’identitĂ© sur un chemin perpendiculaire. Ayant les mains prises, je le signale Ă  CB qui va la rĂ©cupĂ©rer. L’adresse indiquĂ©e se situe dans notre village. Nous dĂ©cidons d’y aller tout de suite. Au bout de quelques minutes nous croisons un cycliste qui nous demande si nous n’aurions pas trouvĂ© une carte d’identitĂ© : c’était celle de sa femme.

Plus loin, nous trouvons l’apiculteur en plein travail. Il nous explique qu’il enfume une ruche pour regarder s’il y a une jeune reine Ă  l’intĂ©rieur. AprĂšs le BBQ, nous nous rĂ©galons du fondant. CB me propose beaucoup d’amĂ©liorations pour la nouvelle des Gooseneck et il est trop tard pour regarder une sĂ©rie : Ă  partir de demain elle travaille trois jours Ă  la blanchisserie et elle veut ĂȘtre en forme car le travail y est dur.

Je reçois un message des animateurs de « Pourtant… Â». La question se pose de ce que nous pourrions faire Ă  la fin du confinement, d’un point de vue Ă©ditorial.

Elle se pose aussi pour le reste : je stresse sĂ©rieusement quand je pense Ă  la reprise.

Photographie : Le totem de CB, qui s’inspire du tableau Â« Orage sur le blĂ© Â» de Marcel Gromaire (1939).

49e jour – dimanche 3 mai, lessivĂ©

Je me lĂšve peu avant 7h. Je continue la nouvelle des Gooseneck (Voyage dans le temps). J’en suis Ă  ce stade de l’écriture oĂč les premiĂšres lignes ont Ă©tĂ© Ă©crites, oĂč l’histoire a maturĂ© dans ma tĂȘte. C’est lĂ  qu’arrive le plaisir : les mots viennent d’eux-mĂȘmes, l’histoire m’emporte et m’emmĂšne mĂȘme parfois ailleurs qu’escomptĂ©, pour mon plus grand bonheur.

Au final, le texte est trop long et comporte des informations utiles pour le roman mais pas pour la nouvelle. Je crĂ©e donc un second fichier dans lequel je coupe tout ce qui peut l’ĂȘtre, quitte Ă  modifier sensiblement l’histoire. Ce n’est pas trĂšs difficile Ă  faire, beaucoup moins que d’allonger, d’étoffer une histoire trop courte. Dans cet exemple, je supprime un personnage dont la prĂ©sence ralentit le rĂ©cit sans rien lui apporter. Il n’apparaĂźtra que dans le roman. Je termine le premier jet avant le repas de midi.

Nous faisons une lessive des vieux pantalons que j’ai essayĂ©s hier et dans lesquels je rentre Ă  nouveau grĂące Ă  mon rĂ©gime (-12 kg), puis je lance le BBQ.

Dans le jardin, je discute un moment avec notre jeune voisin qui prend l’air avec sa femme, leur fille d’environ 3 ans et leur nourrisson. Nous les croiserons plus tard en faisant notre promenade quotidienne.

Je continue Ă  travailler ma nouvelle, qui avance bien et vite. A cĂŽtĂ© de moi, CB peint un totem en s’inspirant d’une Ɠuvre de Marcel Gromaire. Nous finissons tous les deux avant le repas. Son totem est une merveille et je suis content de mon histoire.

Mon histoire, conçue comme l’un des chapitres (probablement le final) d’un futur roman, doit ĂȘtre raccourcie et simplifiĂ©e pour rĂ©pondre aux consignes du concours auquel je vais la prĂ©senter.

Le soir, nous regardons le premier Ă©pisode de la sĂ©rie française « Dix pour cent Â». C’est vif et gai, avec des acteur-es attachants : excellent pour notre moral.

Plus tard, je commence Ă  chercher dans mes photographies de quoi faire une proposition pour une nouvelle collection de petits livres carrĂ©s lancĂ©e par l’éditeur JFE.

Photographie : Trop de lĂ©gĂšretĂ© peut conduire Ă  une pantalonnade.

48e jour – samedi 2 mai, les limites de Brad Pitt

Je me lĂšve de nouveau avant 7h, motivĂ© par le besoin impĂ©rieux d’écrire ma chronique du premier mai. J’aime Ă©crire quand tout le monde dort, que ce soit tĂŽt le matin (ne dites pas ça Ă  mes collĂšgues : j’arrive toujours en dernier au travail) ou tard le soir.

Mon poids a encore baissĂ© : ça me file la pĂȘche ! Je savoure un breakfast tea et c’est parti ! Plus tard, je me recouche auprĂšs de CB jusqu’à ce qu’elle se rĂ©veille. AprĂšs le petit dĂ©jeuner, elle part faire les courses et je nettoie le frigidaire de fond en comble, ou plutĂŽt du bac Ă  lĂ©gumes jusqu’au freezer.

— Tu n’es pas prùs de sortir, me dit CB en rentrant.

Elle est ulcĂ©rĂ©e par le comportement des gens qui font des courses Ă  plusieurs, s’arrĂȘtent pour papoter dans les allĂ©es, utilisent mal leurs masques. MĂȘme la file d’attente Ă  l’entrĂ©e du magasin est gĂ©rĂ©e n’importe comment.

En attendant les informations de 13h sur France Inter, que nous Ă©coutons souvent avant le repas, je commence Ă  rĂ©pondre au courrier hebdomadaire du dĂ©tenu X. Je le termine avant la promenade que nous faisons Ă  trois, entre les flaques d’eau, sous un soleil trĂšs agrĂ©able.

Au moment de me remettre Ă  ma nouvelle, je prends connaissance de plusieurs appels Ă  textes et Ă  photographies de l’éditeur Jacques Flament qui, pour lutter contre la rĂ©cession, prĂ©fĂšre multiplier les projets plutĂŽt que de se replier. C’est enthousiasmant, j’ai pas mal de choses Ă  lui proposer.

Le soir nous regardons « Ad astra Â», film de science-fiction lent et long, mĂ©lange bavard de « Solaris Â» (celui de Tarkovski, ou mĂȘme celui de Soderbergh) et de « 2001 ; OdyssĂ©e de l’espace Â» sans en avoir la portĂ©e philosophique ou la magie. Brad Pitt montre ses limites d’acteur : l’insensibilitĂ© du personnage se traduit pour lui par une inexpressivitĂ© lassante. On dirait du Stalone. C’est un point sur lequel CB n’est pas du tout d’accord avec moi.

Avant de nous coucher, je fais une sĂ©ance d’essayage des pantalons que je ne pouvais plus mettre depuis des annĂ©es Ă  cause de ma prise de poids. Ma garde-robe prend de l’ampleur !

Photographie : MalgrĂ© les apparences, nous ne sommes ni sur la paille ni au bout du rouleau.

47e jour – vendredi 1er mai, mes revendications (et oĂč le lecteur dĂ©couvre enfin le boulodrome)

Je fais l’effort de rester au lit jusqu’à 9h
 c’est CB qui prĂ©pare le petit dĂ©jeuner. Bonne surprise : mon poids a franchement baissĂ©. Le palier serait-il franchi ?

Il fait beau et trĂšs venteux. CB a prĂ©vu que nous nous occupions des impĂŽts et que nous plantions des tomates. Pendant que je rĂ©dige la chronique d’hier et enchaĂźne sur la nouvelle pour le concours « Voyage dans le temps Â» Ă  remettre avant le 12, CB commence Ă  lire « DĂ©voilements Â» (voir chronique du 41e jour) puis prĂ©pare un risotto aux asperges pour S et elle. Je n’ai pas droit aux fĂ©culents pour le moment.

S envoie son dernier devoir dans les derniĂšres minutes du temps imparti. Elle est maintenant en vacances universitaires.

AprĂšs un peu d’écriture pour moi et de lecture pour CB, nous passons Ă  la dĂ©claration d’impĂŽts. Deux heures d’agacements, surtout pour CB qui fait la plus grosse partie du travail.

AprĂšs la promenade, CB plante des pieds de tomates pendant que je fais du poulet au BBQ.

Le soir, nous regardons « Gauguin : voyage Ă  Tahiti Â» avec Cassel dans le rĂŽle titre. Film qui m’a peu intĂ©ressĂ©, centrĂ© sur l’histoire d’amour avec une femme polynĂ©sienne et les problĂšmes d’argent et de santĂ© du maĂźtre. Un passage sur WikipĂ©dia (Ă  laquelle je contribue pour deux euros par mois : et si vous en faisiez autant ?) m’apprend d’une part que Gauguin n’avait pas le diabĂšte, mais la syphilis, et d’autre part qu’il vivait avec des prostituĂ©es de moins de 15 ans. A quoi peut donc servir ce film qui rĂ©Ă©crit l’histoire ?

Il n’a Ă©chappĂ© Ă  personne que nous sommes le 1er mai. Comme tous les ans je rĂąle dĂšs que j’entends parler de « fĂȘte du travail Â». Dois-je rappeler que le Premier Mai est une journĂ©e internationale de revendications des travailleurs et que la date correspond Ă  une manifestation d’ouvriers qui a tournĂ© au massacre, en 1886 Ă  Chicago ?

FĂȘter le Premier Mai, ce serait comme fĂȘter la Saint BarthĂ©lĂ©my pour les protestants !

AprĂšs cette mise au point, je ne peux plus me dĂ©filer (jeu de mot) et, donc, voici mes revendications :

— Prendre le SMIC comme rĂ©fĂ©rence de la grille des revenus, et l’indexer sur le seuil de pauvretĂ© : il doit en faire le double.

— CrĂ©er un revenu universel Ă©gal Ă  75 % du SMIC, dĂ©gressif en fonction des revenus mensuels et ne permettant pas de dĂ©passer le SMIC.

— Indexer tous les revenus sur le SMIC, Ă  commencer par les indemnitĂ©s des Ă©lus qui ne pourront plus s’octroyer des revenus dĂ©connectĂ©s de la rĂ©alitĂ©. Le plus haut revenu public ne pourra excĂ©der 4 x le SMIC (ce qui aujourd’hui reviendrait Ă  4 800 euros nets).

C’est une façon de crĂ©er de la solidaritĂ© : si nos Ă©lus et nos hauts fonctionnaires veulent gagner plus, ils ne pourront le faire qu’en augmentant les plus faibles revenus et l’écart de revenu restera stable au lieu de s’accroĂźtre. Ou alors ils iront travailler dans le privĂ© (rappelons que suite aux enseignements de la pandĂ©mie Covid-19, le privĂ© se verra retirer dans quelques semaines toute responsabilitĂ© et activitĂ© concernant les secteurs de la santĂ©, de la sĂ©curitĂ©, de la gestion de l’eau et de l’énergie, de l’éducation, n’est-ce pas ? Non ? Ah, bon).

VoilĂ , c’est tout pour ce Premier Mai. J’ai d’autres propositions, mais on en parlera plus tard
 quand ces premiĂšres mesures auront Ă©tĂ© appliquĂ©es !

Photographie : Le boulodrome est nettoyĂ©. Il ne manque plus que l’anisette et les boules.

46e jour – jeudi 30 avril, notre longe

LevĂ© Ă  6h00, le jardinier tout neuf qui est en moi depuis 6 semaines est satisfait : il pleut la nuit et il fait soleil le jour, que demander de plus ?

C’est le dĂ©but de ce qui devait ĂȘtre un long week-end : CB et moi avions posĂ© notre jeudi depuis longtemps. Nous devions aller visiter l’expo Gromaire Ă  Roubaix avec des amis. Il faudra se contenter du film :

AprĂšs avoir bien avancĂ© dans ma nouvelle sur les Gooseneck et avoir corrigĂ© et envoyĂ© la nouvelle « apocalyptique Â» (merci DN), j’envoie un courriel Ă  mon chef pour savoir comment se passera la reprise. Il me rĂ©pond dans la matinĂ©e que rien n’est encore dĂ©fini mais que, personne vulnĂ©rable dans un dĂ©partement classĂ© rouge, il est possible que je ne fasse pas partie des personnes qui reprendront dĂšs le dĂ©but ! Sachant la charge de travail quand on a Ă©tĂ© absent trois semaines de congĂ©s, je me demande ce que je vais trouver aprĂšs deux mois : un millier de courriels ? Cinq cents courriers ? Combien de rapports en retard ? Combien de temps avant de sortir la tĂȘte hors de l’eau ?

AprĂšs un repas de moules mariniĂšres petites et caoutchouteuses (Ă  juste titre, l’Alsace n’est pas rĂ©putĂ©e pour ses fruits de mer), nous allons marcher une heure. Nous sommes contrĂŽlĂ©s par deux gendarmes en voiture qui nous demandent nos papiers d’identité  que nous n’avons pas car on ne nous les avait pas demandĂ©s les fois prĂ©cĂ©dentes !

Le soir, repas sur le pouce. Nous avons une conversation tĂ©lĂ©phonique avec nos chers amis JG qui nous manquent beaucoup. Ils sont Ă  Strasbourg
 si loin maintenant que notre longe ne fait plus qu’un kilomĂštre.

Plus tard, nous essayons plusieurs films mais aucun ne nous convient. Nous n’avons pas Ă©tĂ© surpris par « Le braconnier de Dieu Â» que nous avons voulu dĂ©couvrir aprĂšs ma chronique du 38e jour. La distribution Ă©tait claire ; il s’agit bien d’une comĂ©die Ă  la française des annĂ©es 70-80 : Pierre Mondy, Annie Cordy, Jean Lefebvre, Michel Galabru, Daniel Ceccaldi, Jean-Pierre Darras, Catherine AllĂ©gret , Rosy Varte, Odette Laure, Marthe Mercadier, Paul PrĂ©boist, Roger Pierre, Bernard Haller, Robert Castel, Henri GenĂšs
 il n’en manque aucun !  AprĂšs 15 minutes de jeu lourdingue et de clins d’Ɠils appuyĂ©s, nous passons Ă  autre chose. Lisez le livre !

« I am mother Â» semble un excellent film de science-fiction. Mais c’est un huis-clos et, en pĂ©riode de confinement, la charge d’angoisse n’était pas tenable pour nous. Nous arrĂȘtons au bout d’une demi-heure. Nous regardons le dĂ©but de « HĂŽtel du Nord Â» mais le cƓur n’y est plus. Dodo.

Photographie : Le voile d’une roue de tracteur, dans un champ de cĂ©rĂ©ales qui borde notre « parcours santĂ© Â».

45e jour – mercredi 29 avril, planter des tomates

LevĂ© Ă  5h30, je surfe, prĂ©pare le cafĂ©, relis la nouvelle apocalyptique et l’envoie Ă  DN pour correction. Elle m’enverra plus tard un sms pour qu’on fasse les corrections demain matin, dernier jour de l’appel Ă  textes. Vers 8h00 j’amĂšne CB Ă  son travail, ensuite je passe au cabinet de diĂ©tĂ©tique retirer mes complĂ©ments alimentaires pour les deux prochaines semaines (170 euros, quand mĂȘme ! Mon portefeuille maigrit plus vite que moi) et Ă  la pharmacie du bourg d’à cĂŽtĂ© avec les prescriptions du dermato. Je comptais passer Ă  la poste pour y affranchir ma lettre Ă  Charlie Watts, mais il y a la queue dans la rue
 Rien ne presse !

A la maison, je fais une lessive et surfe au lieu d’écrire. Il fait alternance de gris et soleil. Pas de pluie. Je vais dehors et termine de nettoyer le boulodrome. Il est superbe !

Je reçois un courriel du travail : une nouvelle lettre du dĂ©tenu C, qui me parle de la solitude dans laquelle il vit le Ramadan et les interrogations que cela suscite dans son rapport Ă  la religion et aux autres. Il apprĂ©cie que je lui parle de mes promenades et me demande de saluer les arbres de sa part.

Au moment oĂč j’écris enfin la premiĂšre phrase de ma nouvelle, je reçois un sms de CB : il est l’heure d’aller la chercher ! Je file Ă  l’hĂŽpital. En doublant quelques milliers de camions sur l’autoroute, je me rends compte que l’embrayage de l’Alfa patine beaucoup. Des frais Ă  prĂ©voir !

Nous passons au retour par Guebwiller, retirer des plants de tomates chez une collĂšgue de CB.

Il s’est remis Ă  faire beau, nous sortons faire notre marche mais CB peine Ă  marcher. Elle est pĂąle, les traits tirĂ©s. Nous rentrons tranquillement. 

AprĂšs le repas, nous regardons le reportage Â« Fessenheim, le dĂ©but de la fin du nuclĂ©aire Â». D’habitude, dans ce genre d’émission, les opposants ont l’air d’exaltĂ©s et les tenants du nuclĂ©aire de gens posĂ©s et raisonnables. C’est exactement l’inverse que l’on perçoit : les antinuclĂ©aires font calmement le constat de la fin d’un systĂšme qui a atteint ses limites, alors que les pronuclĂ©aires s’accrochent Ă  leur rĂȘve. Ils voudraient que les centrales nuclĂ©aires distribuent Ă©ternellement des emplois aux locaux et des financements aux communes. Ils nient l’obsolescence des installations, la difficultĂ© croissante d’approvisionnement en combustible, la problĂ©matique des dĂ©chets dont on ne sait plus quoi faire. AprĂšs 60 ans d’idĂ©ologie, la simple rĂ©alitĂ© Ă©conomique fait que la luciditĂ© et l’irrationnel ont Ă©changĂ© leurs camps ! Ce n’est peut-ĂȘtre pas pour ien que ça a Ă©tĂ© diffusĂ© hier Ă  23h10…

Plus tard, dans la soirĂ©e, j’apprends que ma nouvelle d’anticipation « Obsolescence non programmĂ©e Â» est retenue pour paraĂźtre dans un recueil en dĂ©cembre, chez Flatland Ă‰ditions. Yeess !

Photographie (prise Ă  Paris en 2014) : Au 45e jour, le gouvernement nous apprend que des dĂ©partements passeront au rouge et d’autres au vert. Je me demande quelle sera la couleur rouge du Haut-Rhin.

44e jour – mardi 28 avril, ça devient long, cette histoire !

LevĂ© Ă  5h, j’écoute de la musique jusqu’au rĂ©veil de CB vers 6h45. Je lui ai prĂ©parĂ© son petit dĂ©jeuner. Une collĂšgue passe la prendre car j’ai besoin de la voiture pour aller Ă  Colmar cet aprĂšs-midi. Je la ramĂšnerai depuis lĂ -bas. Je me recouche vers 8h et me lĂšve Ă  9h30. Mes heures de sommeil ne ressemblent Ă  rien !

Journal de confinement de Sarcignan

CB m’a laissĂ© des corrections pour la nouvelle apocalyptique. Je prends ses remarques en compte et lui renvoie le texte.

Ma fille prend son petit dĂ©jeuner vers 10h15. Je la reverrai pour le dĂ©jeuner : non contente d’ĂȘtre confinĂ©e Ă  la maison, elle se confine dans sa (grande) chambre !

Je rĂ©dige quelques mots en anglais Ă  l’attention de Charlie Watts Ă  qui je compte envoyer une nouvelle (en français) dont il est le hĂ©ros : cela raconte le jour oĂč il apprend la mort de Mick Jagger. Pas sĂ»r que cela lui parvienne, ni qu’il sache lire le français (je n’ai pas traduit la nouvelle), ni que ça lui plaise. Mais je m’en voudrais de ne pas le faire.

Il fait gris et venteux mais il ne pleut pas, malgrĂ© les promesses de la mĂ©tĂ©o. Je continue Ă  prĂ©parer la rĂ©daction de la nouvelle des Gooseneck en faisant des recherches sur les opportunitĂ©s Ă©conomiques crĂ©Ă©es par le Brexit pour des entreprises britanniques. Je n’en trouve pas, il va falloir que j’adapte l’histoire (et le futur roman) en consĂ©quence.

Le rendez-vous chez le dermato se passe trĂšs cordialement. Nous portons chacun un masque mĂ©dical. En face de son cabinet se trouve une adorable petite Ă©glise, Saint François d’Assise, trĂšs contemporaine, que j’aimerais bien visiter un jour. Je retrouve CB prĂšs de la gare, elle est Ă©puisĂ©e d’une longue journĂ©e de travail Ă  la blanchisserie de l’hĂŽpital. Nous allons quand mĂȘme nous promener une fois revenus Ă  la maison. AprĂšs quelques rayons de soleil dans la journĂ©e (mais oĂč est donc la pluie promise ?), il fait gris. En fin de balade nous sentons quelques gouttes, presque rien. Je ne fais pas de BBQ Ă  cause du vent et, finalement, il se met Ă  pleuvoir trĂšs finement pendant la soirĂ©e. Je fais des corrections de textes avec CB puis DN, ce qui me permet d’envoyer des rĂ©ponses pour des appels Ă  textes et des concours. Il en reste une Ă  valider avec DN Ă  envoyer avant le 30/4.

CB est trop fatiguĂ©e pour regarder « Fessenheim, le dĂ©but de la fin du nuclĂ©aire Â» en rediffusion sur FranceTV. On verra demain
 mais demain aussi, les formateurs de l’IFSI donnent un coup de main Ă  la blanchisserie ! Je pense qu’elle ne sera pas en Ă©tat de faire quoi que ce soit. Vivement le long week-end qui s’approche !

Photographie : promenade dans la grisaille.

43e jour – lundi 27 avril, les jours se confondent

LevĂ© avec CB qui repart Ă  la mine, j’enchaĂźne avec plusieurs courriers. Un premier pour le dĂ©tenu qui m’a Ă©crit la semaine derniĂšre. Un second pour les Éditions du Pangolin, afin de rĂ©pondre Ă  leur proposition de collaboration. Un troisiĂšme pour une entreprise qui gĂšre des sites de rencontre : je veux savoir s’il existe des possibilitĂ©s de crĂ©er quelque chose qui pourrait ĂȘtre accessible aux personnes dĂ©tenues, c’est-Ă -dire sans passer par Internet.

Je me rends compte que je n’ai pas pris de notes hier pour ma chronique du dimanche 26 avril. Je m’y colle tout de suite, en espĂ©rant que ma mĂ©moire embrouillĂ©e par le confinement me permette de retrouver ce qui s’est passĂ© hier : les jours se confondent dans mon esprit !

Il fait de nouveau trĂšs beau. Je vais jardiner un peu : ĂŽter des plantes invasives et continuer Ă  nettoyer le boulodrome. Je dĂ©jeune avec S et boit mon cafĂ© en regardant mes mails : un ami veut acheter le recueil « DĂ©voilements Â». Je lui suggĂšre d’attendre que d’autre Alsaciens fassent de mĂȘme afin de faire une commande groupĂ©e. Des volontaires ?

AprĂšs-midi mĂ©nage : CB a particuliĂšrement insistĂ© sur la nĂ©cessitĂ© d’évacuer ce pollen qui s’infiltre partout. Manque de chance, ou acte manquĂ©, en faisant la poussiĂšre sur les Ă©tagĂšres je fais tomber un bibelot qui explose au sol. Pour faire pĂ©nitence, je nettoie l’aspirateur : il en avait besoin !

Vers 16h30, j’attaque enfin une histoire destinĂ©e Ă  un concours de Science-Fiction dont le thĂšme est « Voyage dans le temps Â». Comme pour une prĂ©cĂ©dente nouvelle (voir chronique du 20e jour), je vais me saisir de l’opportunitĂ© pour Ă©crire un nouveau chapitre du roman des Gooseneck.

Ensuite, balade Ă  trois. Il fait plus frais que ces derniers temps. Quand nous rentrons, nous voyons que le figuier a tout de mĂȘme pris un coup de chaud et nous lui donnons Ă  boire. Je prĂ©pare le BBQ, peut-ĂȘtre le dernier avant un certain temps si la mĂ©tĂ©o tient ses promesses.

Ensuite, je travaille au tĂ©lĂ©phone avec DN qui a relu trois nouvelles. Il y en a une que je dois retravailler avant de la lui renvoyer : j’y ai fait un changement de temps inappropriĂ©. La premiĂšre partie est Ă©crite au passĂ© simple et la seconde au passĂ© composĂ©. Ce qui nous ramĂšne Ă  ce que j’écrivais hier sur le nĂ©cessaire accompagnement de l’auteur !

Pas de film non plus ce soir : il est tard quand j’ai terminĂ©.

Photographie : La scierie devant laquelle nous passons presque tous les jours. Au fond, les Vosges.

42e jour – dimanche 26 avril, soirĂ©e tacos

Je me lĂšve de 4h Ă  6h avant de me recoucher jusqu’à 9h. JournĂ©e un peu grise. Je termine ma nouvelle « apocalyptique Â» et la donne Ă  CB pour quand elle aura le temps de la relire.

Je reçois une rĂ©ponse des Éditions du Pangolin. Non seulement le gĂ©rant a bien pris mon courrier, mais il me propose de collaborer Ă  la rĂ©alisation du prochain recueil ! C’est extrĂȘmement flatteur, mais je n’ai jamais fait cela et je me dis que cela va me prendre beaucoup de temps. Et il faut bien ĂȘtre d’accord : je ne suis pas correcteur, ayant moi-mĂȘme besoin d’aide dans ce domaine. Je laisse reposer avant de lui rĂ©pondre.

Je fais une nouvelle sieste dans l’aprùs-midi (je commence à vieillir) avant la promenade d’une heure, pendant laquelle il se met à tomber un fin crachin. Pas de quoi nous tremper sur le chemin du retour, mais cela dure plusieurs heures et je me dis que cela fera le plus grand bien au jardin (et à la facture d’eau).

A propos d’eau, il y a une idĂ©e Ă  laquelle je tiens et que voudrais vous faire partager. Il est d’usage en France (comme dans la plupart des pays capitalistes, je suppose) d’appliquer sur l’eau (et d’autres ressources) un tarif dĂ©gressif, qui fait que les gros consommateurs ont un prix unitaire au mĂštre cube plus intĂ©ressant.

Si nous entrions dans une politique de maĂźtrise de nos ressources, il faudrait faire EXACTEMENT l’inverse. Un mĂ©nage consomme environ 40 mÂł par an. On pourrait dĂ©cider que les 25 premiers mÂł sont gratuits pour tous, et ensuite serait appliquĂ© un tarif progressif qui s’appliquerait aussi bien aux particuliers qu’aux entreprises publiques et privĂ©es, sans dĂ©rogation possible.

Ce serait un excellent moteur de progrĂšs dans la gestion des ressources. La rĂ©cupĂ©ration d’eau de pluie et l’entretien des rĂ©seaux deviendraient essentiels et les industries agroalimentaires et mĂ©tallurgiques seraient bien forcĂ©es de faire des efforts et de franchir des paliers technologiques !

AprĂšs avoir Ă©crit ceci, j’ai conscience que s’il m’arrive quelque chose dans les prochains mois, il faudra peut-ĂȘtre en chercher la responsabilitĂ© chez zeuS, ailoĂ©V, la esiannoyL ou autres. Le coronavirus aura bon dos !

Dans l’aprĂšs-midi, j’apprends que Blue Öyster Cult, groupe dont je suis fan depuis mes 13 ans, sort une vidĂ©o en mode confinĂ© :

Le choix de cette chanson, « Godzilla Â», n’est pas innocent : la conclusion en est History shows again and again how nature points up the folly of man.  

En fin de journĂ©e, DN m’appelle pour me faire part de ses corrections sur 2 nouvelles Ă  envoyer avant le 30 avril : une pour les Éditions des Tourments et l’autre pour le collectif Calibre 35.

AprĂšs un succulent repas de tacos faits maison par CB (tant pis pour mon rĂ©gime !), elle passe du temps au tĂ©lĂ©phone avec sa famille. Nous ne regardons pas de film.

Photographie : La vue depuis la salle de bain, Ă  5h30, ce matin.

41e jour – samedi 25 avril, oĂč l’Ă©diteur de cette chronique dĂ©couvre l’exigence de son auteur Ă  son Ă©gard

CouchĂ© avant minuit, je me rĂ©veille vers 3h du matin. Je descends au salon pour boire une camomille (Kamille, est-il Ă©crit sur la boĂźte d’emballage, achetĂ©e en Allemagne) et continuer la lecture de nouvelles du recueil « DĂ©voilements Â». Le gĂ©rant des Éditions du Pangolin* m’avait demandĂ© de lui donner mon avis sur le livre, il faut que je rĂ©flĂ©chisse Ă  la façon dont je vais le faire. En effet, si l’objet prĂ©sente bien – belle couverture, papier agrĂ©able, soliditĂ© apparente – le contenu est trop brut : les textes n’ont pas Ă©tĂ© relus ni, a fortiori, retravaillĂ©s, et la mise en page est sommaire. Cela s’explique certainement par un souci d’économie d’une part, et de relation entre les auteurs et l’éditeur d’autre part. Je sais que c’est difficile d’aller vers quelqu’un qui a donnĂ© de lui-mĂȘme pour lui dire : ce n’est pas suffisant, il faut retravailler. Mais, c’est nĂ©cessaire. Pour l’avoir vĂ©cu Ă  plusieurs reprises, travailler avec un Ă©diteur exigeant ou un correcteur professionnel fait progresser tout le monde : l’auteur apprend Ă  mieux travailler, l’éditeur obtient un produit de meilleure qualitĂ©. MalgrĂ© quelques dĂ©fauts, « DĂ©voilements Â» reste tout Ă  fait lisible. La variĂ©tĂ© des auteur-es et leurs diffĂ©rentes origines gĂ©ographiques en est l’atout principal. J’écrirai le courrier demain, il faut laisser mĂ»rir.

Je me recouche vers 5h. Lever vers 9h, petit dĂ©jeuner avec CB qui a bien dormi, bullage sur ordinateur, puis je vais continuer Ă  nettoyer le boulodrome. Pendant ce temps, CB passe le devant du garage au Karcher pour chasser les traces d’huile. Nous dĂ©jeunons de salade de tomates et magret de canard grillĂ© sur le BBQ – tofu et patates sautĂ©es pour S. Un voisin fait hurler sa radio et tout le quartier en profite. CB finit par aller le voir : c’est un type ĂągĂ©, sourd comme un pot. Il consent Ă  baisser le son.

CB, qui n’a plus de pomelos, part faire un complĂ©ment de courses (dĂ©ca pour moi, tofu et masque capillaire pour S, pommes et tomates pour tous !) Je me remets au repassage.

J’écoute les informations de 17h : le Covid-19 totalise 200 000 morts dans le Monde. L’OMS informe que rien ne prouve que ceux qui ont eu la maladie sont immunisĂ©s. Ça promet !

CB a une longue conversation avec G, un ami qui travaille chez Peugeot comme beaucoup de monde dans la rĂ©gion, et qui se retrouve au chĂŽmage technique. Il se demande comment la fabrication va bien pouvoir reprendre en tenant compte des « gestes barriĂšres Â».

Marche d’une heure, repas de cruditĂ©s prĂ©parĂ© amoureusement par CB, qui ne veut par regarder de film ce soir et zappe devant la TV pendant que je termine le premier jet de la nouvelle « apocalyptique Â».

* à ne pas confondre avec la formidable fonderie de sculptures britannique Editions Pangolin, dont je vous engage à explorer le site et voir leur vidéo trÚs speed : https://pangolin-editions.com/

Photographie : Parce que trop de BBQ tue le BBQ, CB nous a prĂ©parĂ© 3 assiettes de cruditĂ©s, chacune Ă©tant diffĂ©rente des deux autres.

40e jour – vendredi 24 avril

Aujourd’hui, je suis confinĂ© depuis 40 jours. Ce chiffre n’est pas anodin : non seulement c’est le nom de la pĂ©riode d’isolement des malades contagieux, mais c’est aussi un nombre qui revient souvent dans les trois principales religions monothĂ©istes*. J’ai d’ailleurs une pensĂ©e pour les musulmans qui commencent aujourd’hui le ramadan dans des conditions trĂšs particuliĂšres. Surtout ceux qui sont en prison : d’habitude, c’est l’occasion d’une certaine solidaritĂ©, d’un partage entre ceux de l’intĂ©rieur comme avec ceux de l’extĂ©rieur. Si j’en ai l’occasion, je me renseignerai auprĂšs d’un pratiquant pour savoir comment il le vit.

Journal de confinement de Sarcignan

RĂ©veil vers 6h. Je prends le petit dĂ©jeuner avec CB avant d’aller faire un tour de surf sur le web. Une collĂšgue m’envoie des informations : j’ai reçu un nouveau courrier d’un dĂ©tenu
 qui me parle du ramadan ! Ça tombe bien : j’ai des questions Ă  lui poser, moi aussi ! Je ferai ça ce week-end. Un autre dĂ©tenu voudrait rĂ©diger une petite annonce pour rencontrer l’ñme sƓur. Je vais rĂ©flĂ©chir Ă  la façon de procĂ©der : les personnes incarcĂ©rĂ©es n’ayant pas accĂšs Ă  Internet, elles ne peuvent s’inscrire sur les sites de rencontre.

Je tonds la pelouse en fin de matinĂ©e : c’est mieux de le faire en semaine pour ne pas trop dĂ©ranger les voisins (quoique, avec tout le bruit qu’ils font…). L’herbe n’est pas haute, j’enlĂšve le panier, laissant les brins coupĂ©s sur place. Ils sont sensĂ©s amender le terrain tout en limitant l’évaporation de l’eau. OK, sauf qu’il n’y a pas d’eau. Quarante jours sans pluie, c’est l’inverse du DĂ©luge !

Aprùs la tondeuse, je continue de nettoyer le boulodrome jusqu’à midi trente.

Aux infos, j’apprends que Trump a suggĂ©rĂ© lors d’un point presse d’injecter du dĂ©sinfectant dans les poumons des malades. Hier, dans ma chronique, je voulais, pour me moquer des imbĂ©ciles, prĂ©tendre que consommer rĂ©guliĂšrement de la mort-aux-rats diluĂ©e dans de l’ammoniaque tiĂšde protĂ©geait du virus ! Le PrĂ©sident des États-Unis est plus fort que la fiction.

L’aprĂšs-midi, je commence Ă  dĂ©velopper une courte nouvelle, prĂ©cĂ©demment Ă©crite pour un jeu sur le site MDA. Je compte l’envoyer en rĂ©ponse Ă  un appel Ă  textes des Éditions des Tourments sur le thĂšme « Apocalypse Â».

Quand CB rentre, elle visite le jardin tondu de frais puis nous mettons un poulet Ă  rĂŽtir et nous allons nous promener.

Pendant la balade elle reçoit un appel de son frĂšre qui commence Ă  planifier les vacances d’étĂ© Ă  la maison familiale, en VendĂ©e. AprĂšs le repas, pris une nouvelle fois dehors, c’est avec notre amie AW, encore fragile aprĂšs avoir Ă©tĂ© hospitalisĂ©e pour cause de coronavirus, qu’elle discute un long moment au tĂ©lĂ©phone.

Nous regardons ensuite le dernier Ă©pisode de Chernobyl. Cette sĂ©rie en 5 Ă©pisodes est vraiment remarquable !

* Je rappelle Ă  ceux qui ont oubliĂ© leur catĂ©chisme que les chrĂ©tiens sont monothĂ©istes. Ce ne sont pas Saint-Vincent, Saint-François, Saint-Paul et les autres, ainsi que les anges, les reliques saintes et le Malin qui diront le contraire. Comment ça, j’ai mauvais esprit ?

Photographie (S) : Sarcignan en plein repassage, surveillĂ© par l’une des grenouilles espionnes de CB.

39e jour – jeudi 23 avril, le repos de la guerriĂšre (de la mĂ©decine)

Je me lĂšve peu aprĂšs CB. Elle est encore ensommeillĂ©e, nous ne nous parlons pas beaucoup pendant le dĂ©jeuner. J’espĂšre que ma prĂ©sence lui fait du bien. Normalement, elle n’ira pas Ă  la blanchisserie aujourd’hui et se consacrera Ă  ses activitĂ©s de cadre-formateur en IFSI : il y a quand mĂȘme une nouvelle fournĂ©e d’infirmier-es diplĂŽmĂ©-es Ă  sortir prochainement !

AprĂšs son dĂ©part je termine mon petit-dĂ©jeuner et fais une sĂ©ance de surf pour avoir les derniĂšres infos sur l’état du monde, sur les concours littĂ©raires et photographiques et sur… le tirage de l’Euromillion !

J’apprends que Marianne Faithfull sort de l’hĂŽpital : elle avait attrapĂ© le virus. Plus tard, je vais au jardin nettoyer une partie du boulodrome et tailler les bambous du voisins qui dĂ©bordent chez nous. Vers 13h00 je mange un peu de rĂŽti froid, un demi-fenouil et une petite pomme en compagnie de ma fille qui s’est prĂ©parĂ© du risotto.

Comme chaque jour, je vais Ă  la boĂźte-aux-lettres. Pour une fois elle n’est pas vide : j’ai reçu mon exemplaire de « DĂ©voilements Â» ! (voir chronique du 31e jour). La dĂ©couverte d’un recueil de nouvelles dans lequel je suis publiĂ© est un moment excitant mais qui peut gĂ©nĂ©rer de la dĂ©ception : quand le livre est mal fabriquĂ©, quand la couverture est laide, quand la mise en page est insuffisamment professionnelle, quand le niveau global des autres nouvelles est mĂ©diocre (je pars du principe que la mienne est au top, bien sĂ»r !)

Je finis d’écrire et relire ma « nouvelle nouvelle Â», assez courte, qui s’intitule dĂ©sormais « Le repos de la guerriĂšre Â». Je l’envoie sur la messagerie de CB pour qu’elle puisse la corriger quand elle en aura le temps et l’envie. C’est le milieu de l’aprĂšs-midi, je me mets au repassage en attendant qu’elle revienne du travail.

Nous allons tout de suite nous promener. Elle est contente de me parler de sa journĂ©e de travail. Elle dĂ©crit tout de mĂȘme une situation qui fait penser Ă  de la mĂ©decine de guerre. Cela contraste Ă©trangement avec ce que j’entends et lis dans les mĂ©dias, oĂč il n’est question que de dĂ©confinement et de reprise des activitĂ©s Ă©conomiques. InquiĂ©tant, non ?

AprĂšs le BBQ, elle corrige « Le repos de la guerriĂšre Â» qui lui plaĂźt d’autant plus que ça dĂ©crit notre vie sur le mode humoristique. Je change le titre de la nouvelle (que je ne divulguerai pas tant que le jury de Noirmoutier n’aura pas dĂ©libĂ©rĂ©, mais sachez qu’il s’inspire d’un film de Mocky) et ajoute un sous-titre inspirĂ© d’un roman de Murakami. Je ne peux pas m’empĂȘcher de glisser des rĂ©fĂ©rences dans la plupart de mes Ă©crits !

Ce soir nous aurions dĂ» aller Ă  l’HĂŽtel de la RĂ©gence voir la piĂšce « Ys, la vĂ©ritable histoire Â», crĂ©Ă©e et jouĂ©e par M. Jean et Mme Jeanne (https://www.mrjeanetmmejeanne.com/spectacles/). Nous avions bien aimĂ© leur spectacle « Antigone Couic Caput Â». Ne vous fiez pas Ă  la premiĂšre impression, c’est vraiment dĂ©sopilant.

Finalement, nous regardons le 4e et avant-dernier épisode de Chernobyl. Il est moins intense que les précédents.

Photographie : Dans mon quartier, l’école est vide et la boĂźte Ă  livres est pleine !

38e jour – mercredi 22 avril, oĂč le lecteur de cette chronique dĂ©couvre enfin l’origine du pseudo de son auteur

Je me lĂšve en mĂȘme temps que CB pour l’encourager Ă  sortir du lit : elle a du mal ce matin ! Nous dĂ©jeunons ensemble et elle file Ă  l’hĂŽpital.

Je surfe un peu pour avoir des informations fraĂźches, puis sors arroser les plantes du jardin. Il fait beau et froid.

Je scanne mon arrĂȘt de travail et l’envoie chez mon employeur, le courrier suivra. Je lis quelques pages du roman que j’ai offert Ă  CB pour son anniversaire : « Retenir les bĂȘtes Â» de Magnus Mills. C’est un rĂ©gal, l’histoire gagne en intensitĂ© de façon lente, les personnages sont Ă©tonnants. Comme me l’a fait remarquer CB, cette façon d’écrire et de dĂ©crire rappelle le Steinbeck de la trilogie dĂ©sopilante situĂ©e Ă  Monterey (CA) : « Tortilla Flat Â», « Rue de la sardine Â» et « Tendre jeudi Â» (mon prĂ©fĂ©rĂ©).

11h et je n’ai pas encore travaillĂ© ! Il faudrait quand mĂȘme que je me remette Ă  Ă©crire. Procrastinant, j’évite de me mettre au roman et dĂ©cide de me lancer dans une histoire avec des mots imposĂ©s pour un concours lancĂ© Ă  l’arrache par une librairie de Noirmoutier. Ce qui m’a motivĂ© ? Parmi les onze mots Ă  placer se trouvent congolais, pangolin, pomelo, azuki et triporteur !

Pour les deux premiers, voir la chronique du 2e jour de confinement ! Le pomelo constitue le petit dĂ©jeuner habituel de CB, azuki est la variĂ©tĂ© de haricot rouge utilisĂ©e pour faire des dorayaki dans « Les dĂ©lices de Tokyo Â» (voir la chronique du 30e jour) et « Le triporteur Â» est un roman que j’ai adorĂ© Ă  l’adolescence et qui, comme d’autres Ɠuvres de RenĂ© Fallet, Ă  Ă©tĂ© adaptĂ© au cinĂ©ma avec plus ou moins de rĂ©ussite (« La soupe aux choux Â» Ă©tant le plus connu !). Je recommande chaleureusement la lecture du petit roman « Le braconnier de Dieu Â» accompagnĂ© d’une bouteille de Saint-Pourçain.

Comme si cette pandĂ©mie n’était pas dĂ©jĂ  suffisamment surrĂ©aliste, voici qu’on apprend que la nicotine pourrait ĂȘtre un facteur de protection ! J’imagine dĂ©jĂ  que ceux qui n’ont pas rĂ©ussi Ă  se flinguer Ă  la Chloroquine vont se mettre Ă  fumer deux paquets par jour de peur de mourir


Information qui me consterne : des familles se sont entassĂ©es dans leurs SUV pour faire la queue au s’dlanoDcM. J’imagine qu’ils vont trĂšs rapidement retrouver le rĂ©flexe de jeter les emballages n’importe oĂč dans les rues et les espaces verts. Pour avoir habitĂ© Ă  proximitĂ© du McCrado de Sarcignan (mon pseudo est le nom d’un quartier de banlieue bordelaise) je sais que, sur un rayon d’un kilomĂštre, les trottoirs, caniveaux et squares sont dĂ©corĂ©s aux couleurs de la sainte trinitĂ© amĂ©ricaine : aloCacoC, s’dlanoDcM et oroblraM. Nous avons le monde que nous mĂ©ritons, probablement.

J’ai enfin des Ă©changes de sms avec mon fils aĂźnĂ©. Ouf ! Il est vivant.

L’aprĂšs-midi, je termine le premier jet de l’histoire pour Noirmoutier, Ă  temps pour accueillir CB qui rentre du travail. Elle est Ă©puisĂ©e par une journĂ©e complĂšte Ă  la blanchisserie de l’hĂŽpital, mais fiĂšre du travail accompli.

Nous allons marcher un peu, elle me raconte sa journée, puis nous rentrons faire cuire un rÎti et des haricots.

Elle corrige ma chronique journaliĂšre et la nouvelle « romantique Â». AprĂšs le repas, elle zappe un peu mais n’a pas la force de regarder la suite de Chernobyl et va se coucher. Je trie des musiques jusqu’à minuit, Ă©coute une rediffusion de « Par JupidĂ©mie Â» et compte me coucher vers 1h, quand CB dĂ©boule. Visiblement dĂ©sorientĂ©e, elle me demande pourquoi je ne suis pas encore couchĂ© Ă  4h du matin.

Je dĂ©cide de ne pas me relever Ă  5h pour la pluie d’étoiles filantes.

Mais Ă  5h05, CB me bouscule dans son sommeil agitĂ©. Je me lĂšve et vais dans la chambre d’amis qui, mansardĂ©e, possĂšde une fenĂȘtre de toit orientĂ©e vers le sud. Je reste une dizaine de minutes Ă  observer le ciel sans voir une seule mĂ©tĂ©orite et retourne me coucher. Aujourd’hui, j’apprends que c’était la nuit prĂ©cĂ©dente qu’il fallait observer ! Je commence Ă  perdre le dĂ©compte des jours.

Photographie : Entre forĂȘt et champ de glyphosate, un Paon-du-jour (Aglais io) s’est posĂ© sur notre chemin de promenade.

37e jour – mardi 21 avril, vent de face

AprÚs 6 jours consécutifs de baisse de la mortalité, la France franchit le cap des 20 000 décÚs directement liés au coronavirus.

Dans la matinĂ©e, je vais Ă  l’alimentation gĂ©nĂ©rale du village pour poster un paquet : CB a fait une vente de livre sur un site spĂ©cialisĂ© sur netukaR. Quand je rentre vers 10h15, S prend son petit dĂ©jeuner.

Je passe un trĂšs long moment Ă  lire les nouvelles que mes camarades du site Maux d’Auteurs ont proposĂ©es dans le cadre du jeu n°180. Je prends des notes : il va falloir voter pour celles que je prĂ©fĂšre.

Je suis toujours sans nouvelles des suites de ma dĂ©claration de situation « vulnĂ©rable Â» sur ameli.fr. Je contacte mon mĂ©decin traitant qui me dit qu’il va rĂ©diger lui-mĂȘme un arrĂȘt que je pourrai venir chercher plus tard dans sa salle d’attente.

Je reçois un appel de collĂšgues pour faire le point sur certaines situations compliquĂ©es, pour lesquelles cette pĂ©riode de confinement n’arrange rien. Il s’agit en particulier de personnes prochainement libĂ©rĂ©es et pour lesquelles il y a nĂ©cessitĂ© de trouver un lieu d’hĂ©bergement. Nous ne laissons jamais personne sans solution.

Autre appel : le responsable de la mĂ©diathĂšque de Bessancourt est trĂšs, trĂšs embĂȘtĂ© : il y a eu erreur de leur part et je ne fais pas partie des finalistes du concours. Je le rassure, ça ne m’affecte pas tant que ça : ce n’est pas comme si c’était ma premiĂšre rĂ©compense ! Et puis cette nouvelle me paraissait difficilement Ă©ligible par un jury. Il s’y passe des choses violentes dans un contexte de trafic de drogues et d’intolĂ©rance religieuse.

Peu avant 16h, je regonfle les pneus de mon fidĂšle vĂ©locipĂšde (14 ans de vie commune !) et file au bourg voisin retirer mon arrĂȘt de travail et renouveler mon traitement Ă  la pharmacie.

AprĂšs un mois sans pĂ©daler, je file Ă  l’aller comme une gazelle sur mon vĂ©lo. Et pour cause : j’ai le vent dans le dos. Le retour est bien plus difficile ! Je me rends compte – comme me l’avait dit CB qui prend la route tous les jours – qu’en pĂ©riode de confinement, le code de la route n’a plus cours.

CB rentre du travail. Elle a fait les courses alimentaires pour la semaine et n’a pas trouvĂ© de farine. J’imagine que les caves des Français sont remplies de pĂ©cu, de farine, d’huile et de sucre.

AprĂšs les avoir rangĂ©es, nous allons marcher puis je lance un bbq. Merguez et chorizo ! Mais nous mangeons Ă  l’intĂ©rieur : aprĂšs une belle journĂ©e, il fait vite frais.

Plus tard, pendant que CB fait une rĂ©union App’sWhat avec sa famille, je fais une sĂ©ance tĂ©lĂ©phonique de correction avec DN sur ma piĂšce de thĂ©Ăątre de science-fiction, que j’envoie ensuite pour le Prix Aristophane 2020. Sous couvert de quĂȘte spatiale, ma piĂšce interroge (modestement) le rapport entre pouvoir politique et pouvoir financier. Les grands dĂ©cideurs jouent entre eux au chat et Ă  la souris, sans aucune considĂ©ration pour les populations, relĂ©guĂ©es au rĂŽle de consommateurs imbĂ©ciles. Le dĂ©lai de soumission est fixĂ© au 30 avril, il y a dĂ©jĂ  une vingtaine de candidats.

TroisiÚme épisode de Chernobyl. Les images des personnes irradiées sont parfois pénibles à regarder. Cette série est vraiment excellente.

Photographie : Nos balades nous amĂšnent parfois le long de la Vieille Thur, qui se jette dans la Lauch un peu avant Colmar.

36e jour – lundi 20 avril, à la frontiùre

CouchĂ© tard, levĂ© tĂŽt
 Je me recouche vers 10h en espĂ©rant trouver le sommeil mais le Cabinet de diĂ©tĂ©tique m’appelle Ă  ce moment-lĂ  pour parler de mon problĂšme de poids qui ne bouge plus
 Cela arrive, paraĂźt-il, beaucoup en ce moment. Le confinement gĂ©nĂšre du stress et de la perte de sommeil, les deux sont mauvais pour la perte de poids.

Mon village avec, au fond, la ForĂȘt Noire. La frontiĂšre est Ă  moins de 20 km.

Je me relĂšve et complĂšte le dossier pour le concours BarrObjectif : j’envoie une sĂ©rie de photos de rouille que je nomme pour cette occasion « La rouille ne dort pas Â» d’aprĂšs un album de Neil Young.

Nouvelle tentative de sieste vers 11h45 : ça marche ! Je suis rĂ©veillĂ© peu aprĂšs 13h par un appel malveillant, un numĂ©ro qui appelle une ou deux fois par jour et raccroche aprĂšs une sonnerie. Je croyais avoir bloquĂ© ce numĂ©ro


Le moral est en baisse
 Tendance lĂ©gĂšrement dĂ©pressive. Je me sens facilement agressĂ© depuis quelques jours. Il va falloir que je me remette Ă  Ă©crire pour dynamiser tout ça !

Comme prĂ©vu, ma nouvelle sur Mary Shelley n’est pas retenue pour le prix Bussy (voir chronique du 18e jour). Je vais pouvoir la retravailler, elle a un bon potentiel.

Et je reçois en fin d’aprĂšs-midi un courriel de la MĂ©diathĂšque Duras Ă  Bessancourt (Val d’Oise). AprĂšs avoir gagnĂ© l’annĂ©e derniĂšre le Premier prix du 15e concours de la nouvelle policiĂšre, j’apprends – un peu surpris car elle n’est pas vraiment faite pour concourir – que ma nouvelle « Le Talion Â» fait partie des 10 textes sĂ©lectionnĂ©s par le jury pour la 16e Ă©dition.

Je reçois le sommaire de l’anthologie « Dimension sport & loisirs Â» qui paraĂźtra chez RiviĂšre Blanche. J’y suis entourĂ© d’une belle brochette d’auteur-es aguerri-es.

L’anthologiste prĂ©cise dans son message que l’illustration n’est pas encore choisie pour la couverture : aussitĂŽt je bricole quelques-unes de mes photographies pour les lui soumettre.

Nous regardons le deuxiĂšme Ă©pisode de Chernobyl. C’est vraiment captivant. La seule chose qui me gĂȘne, c’est de voir tous ces Russes parler en anglais. Sinon, on se croirait dans un reportage sur le terrain.

Je me rĂ©veille vers 2 heures du mat’ et me recouche vers 4h30. Faudra faire une sieste, demain !

Photographie : Mon village avec, au fond, la ForĂȘt Noire. La frontiĂšre est Ă  moins de 20 km.

35e jour – Dimanche 19 avril, motards de bon matin et de bonne humeur

Notre sommeil finit par ĂȘtre perturbĂ© : CB se lĂšve parfois la nuit pendant plusieurs heures. Moi, je me lĂšve plus tĂŽt seulement quand je vais au travail
 Ma femme et ma fille me font remarquer que mon humeur change
 Je deviens susceptible. Je suis sĂ»r qu’elle disent ça exprĂšs pour m’énerver.

Donc, levĂ© Ă  6h ce matin, je pose les bases d’une nouvelle de science-fiction pour un petit concours dont le thĂšme m’intĂ©resse : voyage dans le temps. Ce texte me servira de base pour l’un des chapitres d’un roman que je construis ainsi morceau par morceau.

Ce roman sera basĂ© sur ma nouvelle « Au temps pour moi Â», qui a Ă©tĂ© sĂ©lectionnĂ©e pour ĂȘtre publiĂ©e dans l’anthologie « Revenir de l’avenir Â» (voir chronique du 21e jour). Elle concourt en ce moment pour le « Prix Mille saisons 2020 Â» qui sera attribuĂ© par les lecteurs du recueil. AprĂšs deux semaines de votes, mon histoire fait partie des cinq premiĂšres : https://www.millesaisons.fr/prix-millesaisons-2020/resultats.php. Mais les votes se terminent en juillet : il va falloir tenir !

Il fait trĂšs chaud cet aprĂšs-midi. CB a relu ma piĂšce de thĂ©Ăątre et je l’envoie Ă  DN pour correction. La pauvre a quatre textes en attente tous Ă  rendre pour le 30 avril, sans compter un cinquiĂšme qui attend la premiĂšre relecture de CB !

Je vais bĂȘcher un peu le potager qui se dessĂšche, afin d’enlever les racines de plantes sauvages restĂ©es enfouies. Ensuite je prĂ©pare une sĂ©rie de photographies sur la rouille pour les prĂ©senter au concours « BarrObjectif Â» qui se dĂ©roulera (peut-ĂȘtre ?) en septembre.

CB a appelĂ© sa mĂšre, qui quittera l’hĂŽpital de main pour aller en maison de convalescence.

Comme tous les dimanches, je téléphone à mon fils aßné qui, depuis quelques mois, refuse de décrocher et ne me rappelle pas. Je laisse un petit message pour donner des nouvelles et en demander.

Photographie : Mes motos sont moins bruyantes que celles des voisins !

34e jour – samedi 18 avril, binette et Binoche

Je passe la matinĂ©e Ă  surfer sur le web en Ă©coutant du rock au casque. J’ai assez peu parlĂ© de musique jusqu’à prĂ©sent, mais il y en a trĂšs souvent Ă  la maison. Quand les autres en ont marre, ou si j’ai envie d’envoyer les watts, j’écoute au casque. J’ai une play-list de plusieurs milliers de morceaux, ça va du baroque au rap, de l’ethno au punk-rock, de la techno au blues rural, de la chanson au dub, de la contemporaine au musette, du jazz au mĂ©tal. Avec, quand mĂȘme, beaucoup de guitares Ă©lectriques ! Avec, quand mĂȘme, beaucoup de guitares Ă©lectriques ! Au moment mĂȘme oĂč j’Ă©cris cette chronique, j’Ă©coute Jimmy Thackery, « Roy’s bluz Â». GoĂ»tez-moi ça.

Il fait un soleil Ă©clatant. Je prĂ©vois de faire un peu de jardinage cet aprĂšs-midi pendant que CB attaquera le mĂ©nage de la zone des bureaux !

Je continue Ă  rĂ©Ă©crire ma nouvelle « romantique pour le concours « Escales Â». AprĂšs le bbq (saucisses de volailles, le porc n’étant pas recommandĂ© pour l’hypertension), je dĂ©place un arbuste qui poussait en bordure du boulodrome (oui, madame, nous avons un boulodrome dans le jardin !) et je le replante au sud, du cĂŽtĂ© de la famille teuf-teuf dont le plus jeune fils fait sa gym quotidienne : des va-et-vient en moto dans le jardin.

Journal de confinement de Sarcignan

Dans la rue devant chez nous, un homme passe avec un Ă©norme cabriolet Mercedes dont il fait gronder le moteur. Les accros Ă  la grosse voiture – nombreux en Alsace – n’en peuvent plus de rester Ă  la maison !

S plante enfin ses patates germĂ©es : le jardin prend peu Ă  peu sa vitesse de croisiĂšre. La semaine prochaine, nous aurons des plants de tomates. Qui n’a jamais mangĂ© de tomates de jardin ne sait pas le vrai goĂ»t de la tomate !

AprĂšs une nouvelle promenade Ă  trois, nous dĂźnons sur la terrasse. S a un rendez-vous numĂ©rique et nous laisse rapidement. CB et moi regardons « Vies doubles Â» d’Assayas avec Canet, Binoche (eh oui, encore elle : je suis fan !) et Macaigne. Cela se passe dans le milieu de l’édition
 c’est trĂšs bavard et pas si mal que ça !

Photographie : Coup de projecteur sur notre espace CD

33e jour sur la bouche – vendredi 17 avril

MatinĂ©e tranquille. Trop tranquille : S en oublie presque d’envoyer sa dissertation d’histoire Ă  l’universitĂ©. Quand elle le fait enfin, il lui reste moins d’une heure de dĂ©lai ! Elle est pire que moi avec mes concours de nouvelles !

AprĂšs le bbq, CB attaque le « mĂ©nage Ă  fond Â» de la piĂšce Ă  vivre : quand c’est moi qui le fait, c’est moins Ă  fond, c’est sĂ»r ! Elle ponce Ă©galement une piĂšce de bois qu’elle peindra pour en faire un totem. Dans l’aprĂšs-midi, la mĂšre de mes deux plus jeunes enfants appelle : elle voudrait que nous mettions en place une conversation par epykS. J’installe le logiciel sur mon vieux portable. Ça ne fonctionne pas bien : je les vois et ne les entends pas, il ne me voient ni ne m’entendent. Nous faisons donc par tĂ©lĂ©phone.

Dehors, Ă  deux maisons de la notre, la famille teuf-teuf n’en peut plus de ne plus pouvoir utiliser ses voitures et autres trucs Ă  moteur. Le fils aĂźnĂ© fait des tours de jardin avec une toute petite moto. Le bruit est horripilant mais nous avons le choix entre ça ou fermer les fenĂȘtres, et il fait si beau !

Nous sortons tous les 3 pour la marche, vers 18h00 pour Ă©viter d’avoir trop de soleil. En rentrant, CB et S prĂ©parent le repas, une poĂȘlĂ©e maison de lĂ©gumes et saumon frais. Nous mangeons dehors.

CB et moi regardons le film de science-fiction « High Life Â» de Claire Denis avec Pattinson et Binoche. CB craque au bout d’une heure. Je reste jusqu’au bout : ce film atypique, mĂȘme s’il est truffĂ© de rĂ©fĂ©rences (volontaires ou non), est plutĂŽt rĂ©ussi.

Ensuite, je modifie une nouvelle un peu atypique dans ma production, une histoire d’amour avec scĂšne de sexe que j’avais imaginĂ©e pour un magazine fĂ©minin et qui pourrait rĂ©pondre Ă  un concours que je viens de dĂ©couvrir
 Ă  rendre avant le 30 avril !

Photographie : la borne Ă  incendie en face de chez nous affiche le dĂ©compte du confinement : 33 jours.

32e jour – jeudi 16 avril, SepĂșlveda Ă©crivait dans le Monde diplomatique

Ce matin, j’arrose les nouvelles plantes et le figuier, j’écris la chronique de la veille et je m’attaque Ă  la lettre pour le dĂ©tenu, afin qu’il puisse l’avoir avant le week-end.

Ce 16 avril est un jour de tristesse et d’hommage en ce qui me concerne, avec les dĂ©cĂšs de Lee Könitz, Christophe et surtout, pour ma part, Luis SepĂșlveda. Quand mes deux aĂźnĂ©s avaient moins de 12 ans, nous regardions souvent le film d’animation d’Enzo d’AlĂČ (1999) tirĂ© de son conte « La mouette et le chat ». En plus d’ĂȘtre le romancier que l’on connaĂźt, SepĂșlveda Ă©crivait des articles dans le Monde diplomatique. J’ai lu en ligne l’un de ces articles, qui parle particuliĂšrement au cinĂ©phile que je suis. Si vous avez aimĂ© le film « Butch Kassidy et le Kid Â» de George Roy Hill (RĂ©alisateur entre autres de L’arnaque et de Le monde selon Garp), avec – excusez du peu – Redford et Newman – cet article devrait vous passionner : https://www.monde-diplomatique.fr/2004/08/SEPULVEDA/11521

CB a fini son tableau hier, elle en est trĂšs contente.

Elle s’attaque Ă  nettoyer la zone goudronnĂ©e devant le garage : notre vieille Alfa y a laissĂ© des traces d’huile.

AprĂšs un bbq sous un soleil trĂšs agrĂ©able, je termine la relecture de ma piĂšce. CB la relira plus tard. Nous partons ensuite en promenade, sans S qui est toujours accrochĂ©e Ă  sa dissertation !

Plus tard, CB fait ses comptes puis nous commençons Ă  rassembler les informations pour les dĂ©clarations d’impĂŽts. Cela nous semble toujours compliquĂ© alors qu’on n’a pas grand-chose Ă  dĂ©clarer !

AprĂšs un repas dĂ©licieux (bar au four + Ă©pinards) nous regardons avec plaisir le film « Prendre le large Â», de GaĂ«l Morel avec Sandrine Bonnaire.

Photographie : Le tableau de CB est fini !

31e jour – mercredi 15 avril, rĂ©sidence, les clefs Ă  l’insertion

Il fait toujours aussi beau et venteux, avec des tempĂ©ratures assez fraĂźches le matin, le soir et Ă  l’ombre.

CB va faire les courses en fin de matinĂ©e, toujours avec ma carte bleue, car son compte commence Ă  s’assĂ©cher. Le mien va mieux : Ă  mon grand soulagement, j’ai reçu, le loyer de mon appartement de la rĂ©sidence
 Sarcignan, que je suis loin d’avoir fini de payer.

Journal de confinement de Sarcignan

PlutĂŽt que de continuer Ă  payer au prix fort une agence immobiliĂšre qui me laissait gĂ©rer Ă  900 km de distance les gros et petits pĂ©pins de location, j’ai confiĂ© il y a deux ans la gestion de mon F3 Ă  une association d’insertion. Elle y loge des personnes en difficultĂ© et les accompagne dans leur autonomisation sociale. Si un locataire finit par prendre son envol (autonomisation rĂ©ussie, arrivĂ©e d’un enfant), l’appartement est rĂ©novĂ© par un chantier d’insertion, dĂ©pendant lui aussi de l’association, avant l’entrĂ©e du locataire suivant. Cerise sur le gĂąteau : le loyer est garanti par l’association. Mais par les temps qui courent, je n’aurais pas Ă©tĂ© surpris que le loyer arrive en retard
 ou pas du tout !

Je reçois un courrier du travail : on me demande si j’ai bien fait ma dĂ©claration de personne fragile sur ameli.fr. Oui, je l’ai faite, il a deux semaines, mais je n’ai toujours pas reçu le formulaire Ă  envoyer Ă  mon employeur. J’espĂšre que tout va bien se passer, ce n’est pas le moment de se retrouver avec un demi-salaire !

CB revient avec les courses et
 un figuier. Je passe une heure dans le jardin Ă  le planter bien comme il faut. La terre est basse, et elle est dure !

Peu de travail d’écriture aujourd’hui.

CB rĂ©organise la bibliothĂšque, pour que les BD soient plus faciles d’accĂšs !

J’ai enfin des nouvelles des Ed du Pangolin qui demandent ce jour de faire un versement pour payer les frais de port de mon exemplaire « Auteur Â». Le recueil s’appelle « DĂ©voilements Â».

AprĂšs le repas, CB tĂ©lĂ©phone Ă  sa mĂšre, Ă  sa sƓur et Ă  son fils. Elle dit Ă  ce dernier qu’il peut faire une croix sur sa saison d’étĂ© dans la restauration et qu’il ferait mieux de trouver un autre job d’étĂ©.

Pendant ce temps je commence à retoucher ma piÚce de théùtre.

Nous finissons la journĂ©e en regardant « Furyo Â» de Nagisa Oshima. Nous l’avions vu Ă  sa sortie, c’est un film qui avait beaucoup plu Ă  notre gĂ©nĂ©ration. Les acteurs sont tous excellents, mais le fait que Bowie tienne un rĂŽle me perturbe : je ne vois que la star, pas le personnage qu’il interprĂšte. Le rythme du film est trĂšs lent et au bout d’une heure nous en avons eu assez.

Photographie : Il fait beau ? Surfez !

Lire cette chronique Ă  partir du 40e, 30e, 20e, 10e, 1er jour.

30e jour – mardi 14 avril, biĂšre, rhubarbe, anĂ©mie et dĂ©lices japonais

LevĂ© vers 7h30 car le rĂ©veil n’était pas neutralisĂ©, je me lĂšve, prĂ©pare le cafĂ©, arrose les nouvelles plantes du jardin : je croyais qu’il pleuvrait cette nuit, mais tout est sec et il fait beau. Le vent est froid.

Une collĂšgue me fait parvenir une nouvelle lettre d’un dĂ©tenu. J’y rĂ©pondrai bientĂŽt.

Journal de confinement de Sarcignan

CB part faire des courses vers 11h avec ma carte bleue – son compte frĂŽle le rouge, le mien pas encore. Elle revient 1h plus tard, nous l’aidons Ă  dĂ©charger la voiture. Il y avait du monde au magasin et certains rayons Ă©taient vides, dont celui de la biĂšre. En Alsace, c’est un comble ! Mais nous n’en buvons pas.

Vers trois heures nous allons faire une promenade en passant – pour une fois – par le centre du village, pour nous protĂ©ger du fort vent du nord, trĂšs froid.

Plus tard, S s’en va Ă  pied au village voisin pour faire son premier don du sang ! En cet honneur, CB cuisine un gĂąteau Ă  la rhubarbe du jardin.

Je fais progresser lentement la 3e et (probablement) derniÚre scÚne de ma piÚce de théùtre.

Retour de S : son don n’a pas Ă©tĂ© acceptĂ© car elle est anĂ©mique. Il va falloir qu’elle Ă©quilibre mieux son alimentation de vĂ©gĂ©tarienne !

AprĂšs le gĂąteau, absolument rĂ©ussi et savoureuse entorse Ă  mon rĂ©gime, nous regardons « Les dĂ©lices de Tokyo Â», adaptation trĂšs fidĂšle de ce petit roman que nous avions beaucoup aimĂ©.

Je termine la soirĂ©e en mettant la touche finale au premier jet de ma piĂšce de thĂ©Ăątre !

Demain, relecture !

Si vous voulez une grande bouffĂ©e d’air, je vous recommande les vidĂ©os de descentes cyclistes du chanteur-guitariste Pierre Schott : http://www.pierreschott.com/Page%20videos.html

Photographie : promenade quotidienne sur fond de Vosges.

29e jour – lundi 13 avril, Qu’est-il arrivĂ© Ă  Lundi ?

Petit voyage dans le temps (un sujet rĂ©current dans mes nouvelles de science-fiction) : j’écris mes chroniques avec un jour de retard sur la date. La chronique que vous lisez en ce moment, celle du lundi 13, est Ă©crite le mardi 14 (d’aprĂšs mes notes de la veille) et elle est mise en ligne sur le site « Pourtant… Â» par Gilles Bertin dans les heures qui suivent.

Pour la chronique de dimanche (Ă©crite lundi, c’est-Ă -dire hier au moment oĂč j’écris ces lignes – vous me suivez toujours ?), j’ai laissĂ© tomber la forme habituelle pour exprimer des choses qui me tiennent politiquement Ă  cƓur et sur lesquelles je reviendrai peut-ĂȘtre au fil des jours.

Qu’est-il arrivĂ© hier, dimanche ?

Écriture, bullage, repas faiblement protĂ©inĂ© sur la terrasse oĂč nous finissons les restes. 

Il faudra remplir le frigo mardi : nous n’avons pas pillĂ© les magasins, nous !

CB profite du beau temps pour faire du tri dans le garage. 

La santĂ© de sa mĂšre est stabilisĂ©e depuis qu’elle a Ă©tĂ© admise en hospitalisation et perfusĂ©e pour remonter ses taux sanguins. Se pose la question de l’aprĂšs hospitalisation.

Je continue d’écrire ma piĂšce. Premier jet de la scĂšne 1 terminĂ©, j’attaque la scĂšne 2 !

Nous nous promenons tous les trois de 17 Ă  18h puis ensuite, bbq poulet salade. Pendant que S retourne Ă  ses dissertations, CB et moi regardons Â« La Ballade de Buster Scruggs Â»  des frĂšres Coen, western Ă  sketches trĂšs sympathique, mĂȘme si parfois envahi par les bavardages. L’histoire d’introduction est dĂ©sopilante !

Et ce lundi ?

Nous nous sommes levĂ©s tard. CB est partie en tout dĂ©but d’aprĂšs-midi donner un coup de main Ă  la blanchisserie de l’hĂŽpital.

Je passe une partie de la journĂ©e Ă  faire le mĂ©nage (avec un coup de main de ma fille S) et l’autre Ă  rĂ©diger une chronique « politique Â» que je fais relire Ă  S (elle fait des Ă©tudes de politique et son avis est trĂšs pertinent) puis Ă  CB Ă  son retour.

Le temps vire peu Ă  peu au gris, il y a du vent, CB et moi faisons une marche d’une heure trĂšs
 aĂ©rĂ©e !

J’ai enfin des nouvelles de DN dont j’attendais des corrections sur trois textes dont un Ă  envoyer le 15 avril au plus tard ! Cette histoire Ă©tait Ă©crite en deux parties, une au prĂ©sent et l’autre au passĂ©. AprĂšs discussion, nous dĂ©cidons de tout mettre au passĂ©. Cela nous prend du temps, jusqu’au repas prĂ©parĂ© par CB : soupe thaĂŻ.

Nous regardons en famille l’allocution de Macron qui annonce, entre autres :

— le prolongement du confinement jusqu’au 11 mai. Ce qui aurait plutĂŽt comme effet de me rassurer : j’angoisse encore Ă  l’idĂ©e d’aller affronter le virus sur son terrain !

— la rĂ©ouverture progressive des crĂšches, Ă©coles, lycĂ©es car Â« Trop d’enfants notamment dans les quartiers populaires, dans nos campagnes sont privĂ©s d’école sans avoir accĂšs au numĂ©rique et ne peuvent ĂȘtre aidĂ©s de la mĂȘme maniĂšre par les parents Â».

VoilĂ  qui complĂšte ma chronique d’hier : confrontĂ©s Ă  l’éducation de nos enfants, nous nous rendons compte que le mĂ©tier d’enseignant n’est pas facile et que les classes surchargĂ©es, les emplois du temps aberrants (pour les Ă©lĂšves comme pour les profs), le manque de reconnaissance des profs et de moyens pour les Ă©tablissements sont de vrais problĂšmes. Si les leçons du confinement sont vraiment tirĂ©es, l’éducation (comme la santĂ©) devrait voir ses ressources augmenter de façon significative. Mais le Medef veille au grain : il n’aime pas que l’argent public soit utilisĂ© pour le bien collectif.

— la possibilitĂ© d’annuler la dette des pays africains, qui sont livrĂ©s Ă  eux-mĂȘmes et – c’est moi qui le dis, pas Macron – aux intĂ©rĂȘts des multinationales ;

— le redĂ©marrage des activitĂ©s Ă©conomiques ne concernera pas les hĂŽtels, cafĂ©s et restaurants qui resteront fermĂ©s aprĂšs le 11 mai ;

— des aides « spĂ©cifiques Â» pour les secteurs du tourisme, de l’hĂŽtellerie, de la restauration, de la culture et de l’évĂ©nementiel, seront durablement affectĂ©s.

— une aide « exceptionnelle Â» aux familles les plus modestes avec des enfants.

Plus tard, nous regardons Â« Seven sisters Â», thriller d’anticipation, assez rĂ©ussi. Chose amusante en ce jour, le titre original est Â« What happened to Monday ? Â»

Photographie : 29e jour d’enfermement, et encore autant qui nous attendent !

28e jour – dimanche 12 avril, Profitons de la vie, pas des soldes.

Le vieux monde s’inquiĂšte et essaie de reprendre la main. Le Medef, les politiciens de droite, sociaux-dĂ©mocrates et populistes, les dictatures, les fondamentalistes religieux, les banques et les assurances craignent que cette pĂ©riode diminue leur emprise sur nous. Ils se font de plus en plus agressifs dans les mĂ©dias, afin que :

  • le sauvetage de « l’économie » (les bĂ©nĂ©fices privĂ©s) redevienne au plus vite la prioritĂ© face Ă  la crise sanitaire ;
  • le triptyque voiture/consommation/tĂ©lĂ© redevienne la norme dans les pays riches (pour les pays pauvres, on raye juste la mention « voiture »).
Journal de confinement de Sarcignan, 28e jour.

Il faut les comprendre :

  • Nous, consommateurs, sommes en train d’avoir la preuve que les mĂ©tiers importants, ceux qui sont maintenus malgrĂ© tout, sont parmi les plus mal payĂ©s et les moins considĂ©rĂ©s. Soignant-es, aides-Ă -domicile, Ă©boueurs, caissier-es, forces de l’ordre (dont les surveillants de prison, mes collĂšgues), agriculteur-es, facteur-es et employĂ©-es de messageries, transporteurs locaux, enseignants, ils et elles (surtout elles) gagnent deux Ă  cent fois moins que leurs patrons et actionnaires.
  • Nos loisirs de week-end ne consistent plus Ă  parcourir en famille les centres commerciaux, ce qui nous permet de (re)dĂ©couvrir des activitĂ©s non marchandes, moins gĂ©nĂ©ratrices de frustrations. Or, le sentiment de frustration est le moteur de la consommation. Moins sollicitĂ©s, nous achetons moins de produits inutiles fabriquĂ©s Ă  bas prix dans des pays lointains, transportĂ©s au dĂ©triment de la qualitĂ© de l’air et de l’état des routes, sur-emballĂ©s et dont la qualitĂ© de fabrication fait qu’ils terminent vite dans nos dĂ©charges dĂ©jĂ  bien encombrĂ©es.
  • Nous sommes trĂšs nombreux Ă  profiter de notre heure d’activitĂ© physique journaliĂšre alors que nous ne bougions pas auparavant. Si l’habitude perdure aprĂšs le confinement, les bĂ©nĂ©fices sur la santĂ© publique – amplifiĂ©s par le ralentissement de la pollution – pourraient impacter les bĂ©nĂ©fices financiers privĂ©s des industries et services mĂ©dicaux et paramĂ©dicaux.
  • Nous nous rendons enfin compte que diminuer les moyens de l’enseignement et de la santĂ© n’est pas le signe d’une saine gestion des ressources, mais le choix de sacrifier l’avenir pour les profits immĂ©diats des grands groupes qui fabriquent des centrales atomiques dĂ©faillantes, des lignes de TGV et des autoroutes en surnombre.
  • Et j’en passe, vous complĂ©terez vous-mĂȘmes.

Tout cela, si nous y réfléchissons, peut nous mener vers un constat que les tenants de la mondialisation libérale préféreraient éviter :

Nos besoins primaires – Ă©nergie, logement, alimentation, santĂ©, Ă©ducation, sĂ©curitĂ©, culture – et nos biens collectifs – air, eau, terres et matiĂšres premiĂšres – ne devraient pas dĂ©pendre des spĂ©culations Ă©conomiques. Ils devraient ĂȘtre gĂ©rĂ©s collectivement, au niveau local, rĂ©gional, continental et planĂ©taire en fonction des particularitĂ©s de chacun de ces besoins.

Le systĂšme Ă©conomique mondial ne fonctionne que d’une seule façon : transformer tout ce qui est bien commun en bĂ©nĂ©ficies privĂ©s. S’il veut que cela perdure, il doit Ă  tout prix renforcer chez nous ce qu’il nous a inculquĂ© depuis des dĂ©cennies :

  • Le travail. Cette denrĂ©e se rarĂ©fie grĂące aux progrĂšs techniques. Mais au lieu de libĂ©rer du temps Ă  chacun en rĂ©partissant la charge et les gains de productivitĂ©, on prĂ©fĂšre abrutir de travail une minoritĂ© et laisser les autres sans revenus tout en leur faisant croire que c’est de leur faute s’ils sont au chĂŽmage. Qui cherche trouve, vous n’avez qu’à traverser la rue.
  • La frustration et l’envie. Nous avons les moyens de satisfaire les besoins primaires de chacun sur la planĂšte. Mais quel intĂ©rĂȘt ? Il est beaucoup plus rentable d’amener les populations Ă  dĂ©sirer ce qu’elles n’ont pas, afin de les amener Ă  consommer du superflu EN PLUS des besoins primaires. Mais, mon vieux, t’es larguĂ© : ton tĂ©lĂ©phone a au moins deux ans !
  • L’égoĂŻsme et l’individualisme. Ils sont essentiels pour que des chaĂźnes de solidaritĂ© ne se crĂ©ent pas hors du contrĂŽle du pouvoir : elles pourraient aboutir Ă  des modĂšles socio-Ă©conomiques respectueux des gens et de l’environnement, fonctionnant sans multinationales, banques, gouvernements centraux. La pseudo solidaritĂ© officielle et moralisatrice mise en place depuis des siĂšcles (charitĂ©) ou des dĂ©cennies (campagnes de dons) ne sert qu’à nous donner bonne conscience et Ă  faire payer aux particuliers ce que la collectivitĂ© devrait prendre en charge. Dieu vous le rendra au centuple.
  • L’ignorance et sa consĂ©quence, la bĂȘtise. C’est essentiel pour maintenir le systĂšme. Des gĂ©nĂ©rations d’individus incultes et satisfaits d’eux-mĂȘmes ne remettront jamais en cause un systĂšme dont elles sont persuadĂ©es que, s’il les maltraite, c’est la faute des Ă©trangers, des syndicats, des noirs, des fonctionnaires, des arabes, des femmes au travail, etc. J’utilise un 4×4 pour faire mes courses, c’est mon choix : je suis libre, non ?

Dans nos dĂ©mocraties, les prochains discours et dĂ©cisions seront probablement l’illustration de la stratĂ©gie des dominants telle qu’elle est trĂšs Ă©lĂ©gamment rĂ©sumĂ©e par Tancredi Falconeri, personnage clĂ© du roman « Le GuĂ©pard » :

Pour que tout reste comme avant, il faut que tout change.

Nous aurons donc droit Ă  des promesses, peut-ĂȘtre mĂȘme Ă  des dĂ©cisions laissant croire que le pouvoir a compris la leçon : revalorisation de certains salaires et mĂ©tiers, relocalisation et Ă©ventuellement nationalisation partielle de certaines activitĂ©s (rachetĂ©es au prix fort aux multinationales Ă  qui nous les avons cĂ©dĂ©es pour une bouchĂ©e de pain). Peut-ĂȘtre tĂȘtes tomberont-elles. Quelle importance ? Un ministre ou un autre, un prĂ©sident ou un autre
 c’est le systĂšme qui compte.

Et il ne changera pas par le haut.

Et parmi les « gens d’en-bas », dont nous sommes, beaucoup ne voudront pas non plus que cela change.

Alors, que faire ?

Des solutions existent et elles sont dĂ©jĂ  mises en Ɠuvre localement par des particuliers ou des collectivitĂ©s. Il faut que nous soyons plus nombreux Ă  adopter ces comportements.

Le principe de base est de consommer différemment afin de couper les revenus des entreprises multinationales qui sont seules à avoir le pouvoir et dont les dirigeants politiques sont, globalement, les obligés.

Consommons local.

N’achetons que ce dont nous avons rĂ©ellement besoin.

Privilégions les produits de qualité, solides et réparables.

Fournissons-nous auprĂšs des producteurs les plus proches.

Rencontrons nos voisins.

Investissons les Ă©lections locales, les sections syndicales d’entreprises.

Ne votons plus ou votons pour des personnes qui n’ont jamais Ă©tĂ© Ă©lues et qui vivent la mĂȘme vie que nous.

Mettons en place un revenu universel. Les femmes et les travailleurs pauvres pourront ainsi refuser les mĂ©tiers dĂ©gradants et sous-payĂ©s jusqu’à ce qu’ils soient considĂ©rĂ©s Ă  leur juste valeur.

Allons au théùtre, au concert et au cinéma de quartier pour que nos loisirs rétribuent les artistes plutÎt que les multinationales.

Profitons de la vie, pas des soldes.

27e jour – samedi 11 avril, le poids du confinement

Il fait toujours beau, mais la mĂ©tĂ©o promet du changement pour bientĂŽt. CB et moi bullons tranquillement dans le salon ensoleillĂ©. Elle comptait mettre de l’ordre dans notre garage, qui sert de dĂ©barras, mais n’en fera rien.

J’échange quelques courriels avec deux auteur-es qui, comme moi, rĂ©pondent Ă  l’appel Ă  texte des Éditions Jacques Flament, pour lequel j’ai proposĂ© Ă©galement une photographie. Nous relisons chacun les textes des deux autres.

Je continue mon sevrage momentanĂ© de protĂ©ines qui semble avoir eu l’effet escomptĂ© : je suis descendu en une journĂ©e au-dessous du palier auquel je stagnais. A ceux qui diraient que le confinement n’est peut-ĂȘtre pas le meilleur moment pour un rĂ©gime, je ne puis que rĂ©pondre ceci : il y a deux moments pour faire un rĂ©gime. Tout de suite, ou une autre fois.

J’ai entendu dire que des personnes confinĂ©es sont confrontĂ©es au risque de la prise de poids, raison de plus pour faire attention ! Mais je suis tranquille : avec une heure de marche journaliĂšre, parfois remplacĂ©e par du jardinage intensif, je n’ai jamais fait autant d’exercice depuis des annĂ©es ! Tous les feux sont au vert pour brĂ»ler mes graisses.

En attendant que CB relise la Ă©niĂšme mouture d’une nouvelle qui a dĂ©jĂ  Ă©chouĂ© Ă  bien des concours, je continue Ă  petit rythme ma piĂšce de thĂ©Ăątre. Jusqu’ici je n’avais pas le feu sacré  mais je sens que ça vient !

A 17h nous partons en promenade. Il fait beau mais lĂ©gĂšrement moins chaud que les jours prĂ©cĂ©dents. Comme tous les jours nous passons devant un ensemble de ruches, et pour une fois l’apiculteur est lĂ . Nous le saluons de loin, il accepte que je le prenne en photo.

Je prĂ©pare le repas – omelette, champignons, ail et persil, accompagnement de salade verte – pendant que CB tĂ©lĂ©phone plus d’une heure Ă  son amie cadre supĂ©rieure au CHU de Bordeaux. Dans la rĂ©gion Grand Est, la surmortalitĂ© Ă  compter du 9 mars est qualifiĂ©e d’exceptionnelle et elle atteint 269 % dans le Haut-Rhin. Cela ne me donne pas envie de sortir !

AprĂšs le repas, nous regardons « La dĂ©chirure Â» de JoffĂ©. Film que nous avions vu – chacun de son cĂŽtĂ© car nous ne nous connaissions pas – Ă  l’époque de sa sortie en 1984.

Trente-six ans aprĂšs, il reste regardable, mais comme la premiĂšre fois, me semble trop larmoyant.

Photographie : GrĂące Ă  la rĂ©duction des activitĂ©s polluantes, les abeilles auront peut-ĂȘtre moins de pertes cette annĂ©e ?

26e jour – vendredi 10 avril, privĂ©s de FinistĂšre

Je me rĂ©veille tĂŽt, travaille un peu sur ma piĂšce de thĂ©Ăątre, prend le cafĂ© avec CB, puis, fatiguĂ©, me recouche une heure sans parvenir Ă  trouver le sommeil. Le soleil s’installe tranquillement, chassant la fraĂźcheur matinale.

Journal de confinement de Sarcignan

ConsĂ©quence d’une des pĂ©riodes de rattachement Ă  l’Allemagne, aujourd’hui est un jour fĂ©riĂ© en Alsace et en Moselle (le 24 dĂ©cembre aussi, mais on en reparlera lors de la 284e chronique, si vous le voulez bien). Si je regarde mon agenda, je vois que nous Ă©tions censĂ©s partir en congĂ©s, une semaine dans un village de vacances du FinistĂšre. Nous avions un tarif sympa par une association des personnels du MinistĂšre de la Justice. A l’allĂ©e, nous serions allĂ©s rendre visite Ă  la sculpture Mimi, dans le Morbihan (voir chronique du 5e jour).

Aujourd’hui, suite du jardinage : je vais dĂ©barrasser le potager de ses herbes sauvages et mĂ©langer sa terre avec du compost.

Pour essayer de débloquer mon poids qui reste en palier depuis 10 jours, je ne mange pas de protéines à midi et pas de complément alimentaire de fin de journée.

CB s’était portĂ©e volontaire pour renforcer l’équipe de la blanchisserie de l’hĂŽpital en ce jour fĂ©riĂ©. Mais elle revient 10 minutes aprĂšs son dĂ©part, ayant reçu un message disant qu’il y a suffisamment de monde : elle peut rester chez elle. Les jours fĂ©riĂ©s ne sont plus ce qu’ils Ă©taient !

Faisant un pause de jardinage, Ă  l’ombre du mirabellier, nous discutons un peu avec nos deux jeunes voisins, qui ont une fille de 3 ans et un nourrisson. Comme nous, ils ont un grand jardin, ça se passe plutĂŽt bien. Ils rĂ©flĂ©chissent au futur, envisagent d’adopter un mode de vie plus simple, plus naturel : le changement a commencĂ©, autant ne pas s’arrĂȘter en chemin !

Aprùs un peu de travail en plein soleil, j’ai un nouveau coup de fatigue et vais de nouveau me coucher, sans vraiment dormir.

Plus tard, je termine de retourner le potager avant le repas : bar au four + un mĂ©lange de haricots verts et haricots beurre.

AprĂšs le repas, prise de contact tĂ©lĂ©phonique avec l’une des auteures du site MDA. Elle souffre d’insomnie
 Comme moi, et comme certains Ă©tudiants dont s’occupe CB (n’oublions pas qu’elle contribue Ă  la formation des futurs personnels soignants, ceux que l’on applaudit le soir au balcon mais que l’on prie de foutre le camp de l’immeuble pour ne pas contaminer les gens biens).

Tant qu’on y est, je reprends l’avis du Haut Conseil de la SantĂ© publique qui conclut Ă  l’absence d’efficacitĂ© de la dĂ©sinfection des rues et du mobilier urbain par certaines municipalitĂ©s. Sans effet sur la propagation du virus, ces javellisations sont au contraire nocives pour la santĂ© des riverains, pour les sols et les eaux.

Ces actions hypocrites servent-elles Ă  berner les citoyens en leur faisant croire que leurs Ă©diles s’occupent d’eux ?

Ou, plus pervers encore, s’agit-il de lutter contre la baisse de la pollution causĂ©e par le ralentissement de l’économie ? Au cas oĂč les citoyens du Monde trouveraient ça trop bien et voudraient poursuivre l’expĂ©rience !

En soirĂ©e, nouvelle tentative de trouver un film sympa : « Eva Â», avec Huppert. Je tenais Ă  le voir car certains collĂšgues de la prison y ont tenu des rĂŽles de figurants
 mais ce film nous semble long, lent, peu crĂ©dible.

Photo : Un bout du coin tĂ©lĂ©.

25e jour – jeudi 9 avril, reflet de nos vies confinĂ©es

J’ai conscience que cette chronique devient peu Ă  peu monotone et rĂ©pĂ©titive
 Elle n’est que le reflet de nos vies confinĂ©es. 

Je me rĂ©veille vers 6h30 avec la tĂȘte pleine d’idĂ©es et l’envie d’écrire ! Je descend prĂ©parer cafĂ©, thĂ© et ma bouteille de drainant (rĂ©gime oblige). Les infos sont toujours les mĂȘmes : on ne sortira pas du confinement avant longtemps (date officielle : le 14 avril, mais on parle officieusement de mi-mai). Le nombre de dĂ©cĂšs s’accroĂźt moins vite. L’OPEP se rĂ©unit aujourd’hui pour lutter contre l’effondrement du prix du pĂ©trole qui met des pays en situation difficile : Venezuela, AlgĂ©rie


AprĂšs avoir lancĂ© une lessive couleurs, j’écris trĂšs rapidement la moitiĂ© d’une l’histoire dont le thĂšme est : « Le jour oĂč j’ai eu une sensation de dĂ©jĂ  vu Â». 

CB se lĂšve vers 9h, je prends un dĂ©ca avec elle pendant qu’elle dĂ©jeune. Son programme pour aujourd’hui : jardinage ! Mais d’abord : bullage sur canapĂ© pendant que je continue Ă  Ă©crire.

S. arrive vers 10h et dĂ©jeune Ă  son tour. Elle a lu ma nouvelle version de « Ă‰mancipation Â» :

— C’est mieux.

A ce jour, c’est le meilleur compliment qu’elle ait pu faire sur l’un de mes Ă©crits, qui ne l’intĂ©ressent pas.

Plus tard, aprĂšs quelques Ă©changes sur le site Maux d’Auteurs je vais au jardin. AprĂšs avoir empruntĂ© la brouette de notre voisine, je la remplis (au fait, savez-vous que je suis fan de ces utilitaires : https://sarcignan.zenfolio.com/p929324184) de compost bien frais et gluant que je vais mĂ©langer Ă  la terre sĂšche et caillouteuse de notre terrain. Je plante quelques arbustes aux endroits dĂ©signĂ©s par CB et dĂ©place celui qui a eu l’idĂ©e de pousser cet hiver dans notre potager. J’ai envoyĂ© des photos pour savoir quelle est cette essence ; le frĂšre aĂźnĂ© de CB penche pour un fruitier de type prunier. D’autres voient plutĂŽt un saule mais CB ne le croit pas. Et moi ? Je n’y connais fichtrement rien ! 

D’ailleurs, il temps de lancer le bbq !

AprĂšs le repas, je termine le premier jet de ma nouvelle « dĂ©jĂ  vu Â». Ensuite, je retourne au jardin et bĂȘche le « champ de patates » de ma fille, une bande Ă©troite sur la façade Est de la maison. CB va marcher seule autour du village pendant que je continue Ă  remuer le jardin.

Nouveau bbq, cĂŽtelettes d’agneau grillĂ©es, puis nous regardons des dĂ©buts de films sans qu’un seul ne nous intĂ©resse vraiment : Seven sisters en VF, ce qui ne nous plaĂźt pas, La mule d’Eastwood, Une nuit sur terre, de Jarmusch et autres, et le dĂ©but de Ratatouille que CB pensait ne pas avoir vu. Mais si ! De guerre lasse, nous allons nous coucher !

Photographie (CB) : Document exceptionnel : Sarcignan en train de jardiner. C’est presque aussi rare que de le voir courir ou laver sa voiture !

24e jour – mercredi 8 avril, la traque des mutants n’est pas crĂ©dible

Ce matin, Internet rame ! Les applications ne se lancent pas ou trĂšs lentement. Moment de stress : ne pas pouvoir accĂ©der au rĂ©seau est ce qui pourrait m’arriver de pire, mĂȘme sans ĂȘtre confinĂ©. Je suis addict au web depuis 1999, c’est maintenant trop tard pour dĂ©crocher ! Je m’inquiĂšte pour S qui a des dissertations Ă  rendre. Finalement le dĂ©bit se normalise avant qu’elle ne se rĂ©veille. Est-ce un problĂšme de fournisseur d’accĂšs ? De surconsommation locale ?

Le cap des 10 000 morts du coronavirus a Ă©tĂ© dĂ©passĂ© en France. La question du dĂ©confinement se fait trĂšs prĂ©sente dans les mĂ©dias, qui nous disent en mĂȘme temps que le confinement n’est pas prĂšs de s’arrĂȘter.

Je travaille sur les rapports de dĂ©tenus qu’une collĂšgue m’a envoyĂ©s afin que je les mette Ă  jour pour la Commission d’application des peines de fin du mois, qui sera dĂ©matĂ©rialisĂ©e.

En discutant avec elle, je comprends que l’article basĂ© sur une source anonyme, paru il y a moins d’une semaine (voir chronique du 19e jour), est inexact. Il n’y a pas Ă  ce jour de dĂ©tenus atteints du Covid-19 dans la prison, mĂȘme s’il y a eu des suspicions qui ont entraĂźnĂ©es des mise en isolement. Par contre des collĂšgues surveillants, gradĂ©s, officiers et mĂȘme membres de la direction ont Ă©tĂ© plus ou moins atteints, certains nĂ©cessitant l’hospitalisation en rĂ©animation.

A midi, nous mangeons dehors, sous le parasol : poulet marinĂ© « façon CB Â» et grillĂ© au bbq, salade verte.

L’aprĂšs-midi, nous commençons Ă  jardiner. Nous n’avons pas de pelouse ou gazon, mais un tapis de plantes sauvages. J’enlĂšve les plus encombrantes et celles qui font mal quand on marche dessus pieds nus : il est essentiel de pouvoir marcher pieds nus dans son jardin, je trouve !

Pour la premiĂšre tonte depuis l’automne dernier, c’est CB qui s’y colle – elle adore ça. Elle attrape quand mĂȘme une sacrĂ©e suĂ©e et boit 1 litre d’eau en moins d’une heure !

Ma fille commence Ă  s’ennuyer. Le confinement lui pĂšse. Elle aimerait retrouver ses amis autrement que par le truchement d’écrans. Comme elle a Ă©mis le souhait de donner son sang, CB lui propose de donner rendez-vous Ă  ses amis pour le faire en mĂȘme temps. Comme ça, ils pourraient au moins se voir.

Le soir, nous mangeons dehors Ă©galement (maquereaux au four avec fenouil vapeur) avant d’aller nous promener tous les trois dans les lumiĂšres du soleil se couchant. Je discute de ma nouvelle sur le coronavirus avec S qui trouve que la partie oĂč les mutants sont traquĂ©s et tuĂ©s – directement inspirĂ©e de Van Voght – n’est pas crĂ©dible. Je la supprime en rentrant, je garde cette idĂ©e pour la version longue.

Plus tard, je fais par tĂ©lĂ©phone une longue sĂ©ance de correction avec DN sur la nouvelle de science-fiction parodique : il y a un gros hiatus de concordance des temps, il faut faire des choix !

Avant d’aller dormir, je jette un Ɠil et prends quelques notes pour mon prochain chantier : une piĂšce de science-fiction en un acte. J’ai tous les Ă©lĂ©ments, issus de trois nouvelles Ă©crites ces deux derniĂšres annĂ©es. Il y aura quatre personnages pour un acte en 4 scĂšnes.

C’est la deuxiĂšme piĂšce de thĂ©Ăątre que j’écris, j’en ai d’autres en projet… Pour quand j’aurai le temps !

Photographie : Un lĂ©zard de derriĂšre le fagot.

23e jour – mardi 7 avril, comme un roman

Aujourd’hui, dernier jour de travail pour CB avant deux jours de congĂ©s.

AprĂšs son dĂ©part, je relis la nouvelle destinĂ©e au concours des Éditions du Faune sur le thĂšme « Les autres Â». Elle est Ă  envoyer le 10 avril au plus tard, et il faut encore que mes correctrices la dĂ©couvrent. Et comme c’est CB qui a le privilĂšge de faire chaque premiĂšre lecture, je dois attendre qu’elle soit disponible.

Je rĂ©dige les premiers mots de la nouvelles pour la revue « La clartĂ© sombre des rĂ©verbĂšres Â», Ă  laquelle je rĂ©flĂ©chis depuis plusieurs jours. Mon histoire s’inspire de trois Ɠuvres qui m’ont marquĂ© adolescent : « Le talon de fer Â» de Jack London pour l’utopie sociale, « Ă€ la poursuite des Slans Â» de A.E. Van Vogt pour la traque des mutants et « Les fleurs de fĂ©vrier Â» de Kenneth Harker pour la gĂ©nĂ©ration spontanĂ©e. Cela vient facilement et j’ai fini un premier jet de 3 500 caractĂšres en moins de deux heures. Rien Ă  voir avec la nouvelle sur l’illettrisme qui m’en a fait baver !

Je sors pour ma promenade. Seul, car S prĂ©fĂšre rester Ă  la maison. Sur un chemin au milieu des champs, je suis contrĂŽlĂ© par deux gendarmes. Elle et lui sont en treillis et gilets pare-balles et roulent en 4×4 de la brigade cynophile : j’entends des aboiements dans la voiture. Cette fois, je trouve mon attestation du premier coup. Comme quoi je peux trĂšs bien me dĂ©brouiller sans CB. Parfois.

En marchant, je rĂ©flĂ©chis Ă  la nouvelle. J’imagine un autre titre pour la version raccourcie que je vais envoyer Ă  la revue. Comme toujours, je pense aux « produits dĂ©rivĂ©s Â» de mon texte. Je vais essayer d’en tirer une version bien plus longue pour le concours des Éditions du DĂ©sir sur le thĂšme « coronavirus Â», Ă  rendre Ă  la fin du mois. Et pourquoi pas un roman pour l’appel-Ă -textes de Folio-SF ? C’est Ă  livrer tout dĂ©but mai
 Eh voilĂ  : je suis dĂ©bordĂ© !

A ce jour, je n’ai jamais Ă©crit de roman, mĂȘme si j’en ai plusieurs en projet et d’autres dĂ©jĂ  commencĂ©s. C’est une Ă©tape qui me semble difficile Ă  franchir, comme la perte du pucelage : il faudrait que ça arrive vite, mais il faudrait AUSSI que ce soit bon !

De retour Ă  la maison, je diminue la nouvelle Ă  2 500 caractĂšres. C’est trĂšs, trĂšs court ! Mais ça le fait quand mĂȘme.

Ensuite, repassage. Je termine la pile peu aprĂšs l’arrivĂ©e de CB, fatiguĂ©e mais enfin en congĂ©s !

Photographie : Comme dans mon Sud-Ouest natal, les agriculteurs des plaines d’Alsace cultivent du maĂŻs Ă  grand renfort d’eau puisĂ©e dans les nappes.

22e jour – lundi 6 avril, impossible Ă©tat des lieux : tuile et mĂ©nage, courage et chocolat

Il nous arrive une tuile qui pourrait avoir des rĂ©percussions financiĂšres embĂȘtantes. CB et moi, quand nous avons dĂ©cidĂ© de quitter Bordeaux pour l’Alsace, avons mis en location nos logements respectifs, que nous n’avions pas fini de payer. Or CB vient d’apprendre que son locataire a posĂ© son prĂ©avis avec effet dans quelques jours. Ce n’est pas la peine de chercher un autre locataire : mĂȘme en admettant que quelqu’un puisse envisager de s’installer en plein confinement, l’agence en charge de la location ne veut pas faire d’état des lieux avant la fin du confinement.

Mais de quoi parle-t-on ? Quelle fin de confinement ? On imagine que cela va se faire par tranches
 Faudra-t-il attendre la sortie du dernier confinĂ© ? Cela peut prendre plusieurs mois !

Il va falloir faire attention aux dĂ©penses ; je suppose que nous allons arrĂȘter momentanĂ©ment les concerts, thĂ©Ăątres, cinĂ©mas, restaurants, musĂ©es et autres week-ends en amoureux ?

AprĂšs avoir envoyĂ© ma chronique du 20e jour Ă  « Pourtant… Â», je fais une pose dans l’écriture. D’abord, parce que j’ai beaucoup donnĂ© ces trois derniĂšres semaines, qui sont aussi les trois premiĂšres du confinement.

Ensuite, et surtout, parce que c’est journĂ©e mĂ©nage. Je lance une lessive de blanc : des draps et la blouse de peintre de CB. D’autres machines suivent. C’est S qui va Ă©tendre et dĂ©crocher le linge. Dans l’aprĂšs-midi, elle passe l’aspirateur dans toutes les piĂšces aprĂšs que j’ai fait la poussiĂšre (succinctement : je touche le moins possible aux innombrables bibelots de CB). Je passe ensuite la serpilliĂšre dans les lieux de passage et nettoie les cuvettes de WC. Au fait, vous ai-je parlĂ© de ma passion pour les WC ? VoilĂ  ce que ça donne : https://sarcignan.zenfolio.com/p1071199635

Faire une pause dans l’écriture ne m’empĂȘche pas d’en parler. Je suis inscrit depuis quelques mois sur le site « Maux d’Auteurs Â»  (MDA). On y pratique rĂ©guliĂšrement des concours de nouvelles de moins de 3 500 caractĂšres. AprĂšs chaque jeu, chacun fait l’effort de commenter de façon constructive les textes des autres afin que nous puissions tous progresser. Plusieurs des textes que j’ai prĂ©sentĂ©s m’ont servi par la suite de base pour des nouvelles plus longues.

Nous venons d’avoir les rĂ©sultats du dernier concours dont le sujet Ă©tait « le courage Â», thĂšme national du « Printemps des poĂštes Â». J’ai terminĂ© premier en prose et dernier en poĂ©sie !

Comme je n’ai mĂȘme pas peur, voici, pour la postĂ©r(ior)itĂ©, mon poĂšme :

J’ai serrĂ© les dents

J’ai serrĂ© les dents face aux mĂąchoires des lions.
Je me suis jetĂ© Ă  l’eau parmi les requins-marteaux.
Le grisou ne m’a pas empĂȘchĂ© d’aller au charbon.
Et par dessus les douves je suis monté au créneau.

« Il n’a pas froid aux yeux Â», disais-tu ;
Et mĂȘme : « des testicules ornent son postĂ©rieur. Â»
Tu me regardais de cet air entendu.
Moi, j’attendais que vienne l’heure
De te dire enfin que je n’ai jamais eu
Assez de cran pour avouer ma peur.

AprĂšs ce grand moment d’émotion, vous allez me demander : « Et le texte en prose ? Â»

Eh bien, par pure perversitĂ©, j’envisage de l’intĂ©grer dans mon recueil de nouvelles sur la PremiĂšre Guerre mondiale – celui dont aucun Ă©diteur n’a voulu jusqu’à prĂ©sent.

AprĂšs le mĂ©nage, je vais faire seul une marche d’une heure sous le franc soleil et le lĂ©ger vent tiĂšde qui vient du sud. CB rentre fatiguĂ©e, mais tient Ă  faire comme prĂ©vu une tarte feta/Ă©pinards/saumon et un dĂ©licieux fondant au chocolat pour fĂȘter les 19 ans de S. Tant pis pour le rĂ©gime !

CB et moi regardons le 2e Ă©pisode de « Manon, 20 ans Â» avant d’aller nous coucher.

Photographie : AprĂšs trois semaines de confinement, la nature reprend ses droits.

21e jour – dimanche 5 avril, 10 kg, trois semaines, 19 ans, 1000 saisons

J’ai eu froid cette nuit, comme la prĂ©cĂ©dente ! Peut-ĂȘtre un effet secondaire du rĂ©gime que j’ai commencĂ© avant le confinement et que je poursuis avec succĂšs : 10 kg perdus depuis dĂ©but janvier. Encore 10 autres et ce sera bien, d’aprĂšs ma cardiologue !

CB, travail en cours

CB continue Ă  peindre son tableau. Elle y intĂšgre du sable. Mais ce n’est pas fini !

Le vote en ligne pour le Prix « Mille saisons Â» 2020 fonctionne enfin. Ma nouvelle « Au temps pour moi Â» est en lice. Les possesseurs du livre « Revenir de l’Avenir Â» peuvent voter sur le site de l’éditeur en utilisant le code indiquĂ© sur la derniĂšre page. On peut voter aussi pour la meilleure illustration, le meilleur court-mĂ©trage et la meilleure musique, tous inspirĂ©s par les nouvelles du recueil. TroisiĂšme effet Pangolin (voir chroniques prĂ©cĂ©dentes) : la musique qui a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e en 2019 pour accompagner mon texte s’appelle : « Corona borealis Â».

Je continue Ă  retoucher ma nouvelle de science-fiction, qu’il faut envoyer ce soir Ă  PrĂ©sence d’Esprits. Quant Ă  ma celle de 1983, « Avant la pluie Â» (voir chronique du 18e jour), elle est en ligne sur le site des Éditions Noir d’Absinthe. Une lectrice me signale qu’il y a une faute d’accord et une faute de temps
 VoilĂ  ce que c’est quand on travaille sans ses correctrices !

Je commence Ă  ĂȘtre moins angoissĂ© par rapport au virus
 Comme beaucoup de Français : les messages d’information insistent pour ne pas relĂącher le confinement et certaines municipalitĂ©s prennent des arrĂȘtĂ©s plus contraignants que les exigences gouvernementales. Un peu partout, des personnes qui rĂ©flĂ©chissent Ă  l’avenir s’intĂ©ressent Ă  ces laboratoires locaux. Il y a celles qui veulent savoir si c’est le bon moment pour restreindre un peu plus (ou beaucoup plus) les libertĂ©s individuelles et collectives. Il y a celles qui veillent et donnent l’alerte : jusqu’à quel point un sentiment illusoire de sĂ©curitĂ© doit il prendre le pas sur notre qualitĂ© de citoyen ?

CB parle d’un possible effet boomerang : une deuxiĂšme vague d’épidĂ©mie qui pourrait toucher les personnes Ă©pargnĂ©es par la premiĂšre. Merci CB, de nous remonter le moral !

Cela me donne Ă  rĂ©flĂ©chir pour le texte que je vais proposer Ă  JF Éditions, sur le thĂšme du Covid-19. J’ai dĂ©jĂ  un titre et une idĂ©e de dĂ©part. Il y est question de l’aprĂšs confinement. Mais il y aura-t-il un aprĂšs ? Le confinement ne va-t-il pas devenir la norme, avec comme corollaire le couvre-feu et les milices ? L’anticipation est un genre que j’adore, mais il faut l’écrire vite car la rĂ©alitĂ© a tendance Ă  dĂ©passer l’infection, en ce moment.

Nous regardons le premier Ă©pisode de la mini-sĂ©rie « Manon, 20 ans Â», qui est la suite de la trĂšs rĂ©ussie trilogie « 3 x Manon Â».

Sans ma fille, qui a des dissertations Ă  Ă©crire. Et puis elle n’aime plus regarder des films ou des sĂ©ries avec les vieux. Demain, elle fĂȘte ses 19 ans !

Photographie : Le tableau de CB avance au fil des week-ends
 moins vite que l’épidĂ©mie ! EspĂ©rons que cette derniĂšre se terminera avant le vernissage !

Lire cette chronique Ă  partir du 40e, 30e, 20e, 10e, 1er jour.

20e jour – samedi 4 avril, label rouge

Peu fatiguĂ© Ă  cause de mon manque d’exercice et de travail, je me lĂšve vers 6h45. CB et S dorment encore. AprĂšs le petit dĂ©jeuner, je rĂ©Ă©cris les Chroniques de ce « Foyer de contagion », truffĂ©es de fautes de français et de copier-coller (vous comprenez pourquoi j’ai DEUX correctrices?). J’en profite pour donner plus d’ampleur Ă  la partie « Prison Â» afin de mieux faire connaĂźtre mon mĂ©tier, qui est rare.

Journal de confinement de Sarcignan

CB part faire les courses et rentre vers midi. Il y avait plus de monde que d’habitude et les accĂšs n’étaient pas filtrĂ©s. Nous faisons notre premier barbecue de l’annĂ©e et mangeons sur la terrasse du jardin. Il y a un vent froid du nord mais il fait trĂšs beau.

Je continue de rĂ©crire les chroniques pendant que CB relit ma nouvelle de science-fiction. Elle y trouve des corrections Ă  apporter mais, surtout, elle ne voit pas l’intĂ©rĂȘt de l’histoire. OĂč nous mĂšne-t-elle ? Je comprends ce qu’elle veut dire : je l’ai Ă©crite il y a quelques mois en pensant dĂšs le dĂ©part qu’elle serait par la suite intĂ©grĂ©e dans le roman des Gooseneck. RĂ©sultat : le lecteur n’y comprend rien, il lui manque trop d’élĂ©ments, il ne se sent pas concernĂ© par les enjeux. Il me reste 24 heures pour retravailler le tout.

A 16h, nous partons nous promener, Ă  petite allure : CB est fatiguĂ©e.

J’ai reçu un mail des Éditions Jacques Flament qui acceptent l’une de mes photographies pour le numĂ©ro 3 de la revue « La clartĂ© sombre des rĂ©verbĂšres Â».

AprĂšs le repas nous regardons le joli et mĂ©lancolique film « The bookshop Â».

Ensuite, je modifie la nouvelle de SF pour lui donner plus de sens.

Photographie : Nous mangeons notre poulet « label rouge Â» / salade sur la terrasse.

19e jour – vendredi 3 avril, manque de cannabis et coup de fatigue

CB est dĂ©jĂ  au travail quand je me lĂšve. Aujourd’hui, avec quelques cadres-formateurs de l’IFSI, elle va donner un coup de main Ă  la buanderie oĂč certains Ă©quipements, jetables d’ordinaire, sont soigneusement lavĂ©s et remis en service.

Photographie : CB au travail à la blanchisserie de l’hîpital (photo DR).

Un article est paru hier dans la presse rĂ©gionale : sous couvert d’anonymat, collĂšgue surveillant parle de la situation en prison. La dĂ©tresse des agents en sous-nombre et dĂ©pourvus de masque, l’impossibilitĂ© de tenir la distanciation sociale, l’anxiĂ©tĂ© des dĂ©tenus, d’autant plus que l’arrĂȘt des visites aux parloirs a mis fin Ă  l’approvisionnement de cannabis. La consommation et le trafic en sont interdits – et sanctionnĂ©s quand les contrevenants sont pris – mais il y en toujours un peu qui Ă©chappe aux contrĂŽles et aux fouilles.

Une collĂšgue m’envoie une demande sur le dĂ©roulement d’un mariage en dĂ©tention : j’en avais organisĂ© un il y a deux ans mais je ne me souviens plus de tous les dĂ©tails.

Je commence Ă  Ă©laborer une trame pour une piĂšce de thĂ©Ăątre de SF en un acte, Ă  remettre Ă  la fin du mois dans le cadre du Prix Aristophane. Je vais me servir des nouvelles « Au temps pour moi Â», « Terra incognita Â» et « Du mĂȘme monde Â», qui serviront Ă©galement de structure pour le roman des Gooseneck. Cette façon de procĂ©der est directement inspirĂ©e de celle de l’écrivain AE Van Vogt, qui fut longtemps mon auteur de rĂ©fĂ©rence en SF. Au fait, qui sait que la traduction française de son « Le mondes des à» est l’Ɠuvre de Boris Vian ?

Isabelle, Christine et Gilles, de la revue « Pourtant Â», me posent des questions pertinentes sur mes activitĂ©s et sur la cohĂ©rence de ma chronique. Je saisis l’occasion de rĂ©flĂ©chir Ă  ce travail, dont je rappelle que c’est une premiĂšre pour moi. Je dĂ©cide de reprendre chaque texte depuis le dĂ©but, d’en corriger les fautes, d’en renforcer la cohĂ©rence.

Pour la premiĂšre fois depuis le dĂ©but du confinement, j’ai un coup de fatigue. Un lĂ©ger rhume et une sensation de froid persistante. AprĂšs le repas avec S, je fais 3/4 d’heure de sieste avant notre promenade.

CB revient, fatiguĂ©e elle aussi. Ce soir, nous devions aller voir Rosedale au Casino de Blotzheim. A la place, nous regardons les deux derniers Ă©pisodes de « Agent Carter Â».

Photographie : CB au travail Ă  la blanchisserie de l’hĂŽpital (photo DR).

18e jour – jeudi 2 avril, l’attestation manuscrite perdue de J Michel

Plus de 500 morts dans les hĂŽpitaux français ces derniĂšres 24 heures. Le cap des 4.000 est atteint, l’Espagne arrive Ă  10.000 !

Le premier ministre a annoncĂ© que le dĂ©confinement se fera lentement et progressivement, sur des modalitĂ©s qui restent Ă  dĂ©finir. Je m’interroge : quand pourront sortir les personnes fragiles et non immunisĂ©es, comme c’est probablement mon cas ? J’imagine que ce sera quand il y aura suffisamment de places en rĂ©animation pour traiter ceux qui auront la maladie aprĂšs-coup.

Photographie CB : attestation manuscrite d’un certain J Michel.

Je rĂ©dige une rĂ©ponse Ă  l’attention du dĂ©tenu qui m’a Ă©crit. J’y joins deux rĂšglements de concours d’écriture, charge Ă  lui de les faire connaĂźtre aux Ă©ventuels codĂ©tenus qui seraient intĂ©ressĂ©s. L’annĂ©e derniĂšre, certains ont obtenu des prix au niveau national.

Nouvel appel de ma collĂšgue, toujours pour le dossier SIAO du libĂ©rable. Nous en profitons pour parler de la prochaine Commission d’application des peines : j’ai quatre rapports Ă  remettre mais aucun moyen d’accĂšs Ă  mes dossiers : la confidentialitĂ© exigĂ©e par nos mĂ©tiers interdit l’usage du tĂ©lĂ©travail. Nous allons rĂ©flĂ©chir Ă  la façon de procĂ©der.

Cruelle dĂ©ception : une nouvelle dont j’étais trĂšs fier n’a pas Ă©tĂ© retenue pour le numĂ©ro de la revue « Galaxies Â» en hommage Ă  Marie Shelley et son Frankenstein. L’anthologiste me propose de l’inscrire pour le Prix annuel Alain le Bussy. J’accepte, mais sans trop d’espoirs : je n’ai pas retravaillĂ© le texte, il ne sera donc pas meilleur.

TraĂźnant un peu sur le web, je tombe sur un appel Ă  textes des Ă©ditions Noir d’Absinthe pour une micro nouvelle. Le dĂ©lai de soumission se termine dans… vingt minutes ! J’adapte fissa une trĂšs vieille histoire (la premiĂšre version date de 1983) et l’envoie. Sans conviction.

Dans la foulĂ©e, j’adapte trois nouvelles pour des concours Ă  venir, prenant en quelque heures un mois d’avance ! Cela va me libĂ©rer du temps pour des projets plus complexes : un pseudo-roman de SF en cours, l’adaptation d’une nouvelle de SF en piĂšce de thĂ©Ăątre. Et, surtout, la prĂ©paration de mon premier « vrai Â» roman de science-fiction, dĂ©veloppĂ© Ă  partir de la nouvelle « Au temps pour moi Â» dĂ©jĂ  mentionnĂ©e dans une chronique prĂ©cĂ©dente.

Tiens, je n’ai pas encore parlĂ© de CB ! Elle travaille, elle se prĂ©occupe pour sa mĂšre, elle fatigue. Vivement les vacances, prĂ©vues Ă  partir de mercredi prochain.

Photographie (de CB) : Lors de notre marche du jour, nous rencontrons l’attestation manuscrite d’un certain J Michel. Comme quoi je ne suis pas le seul maladroit !

17e jour – mercredi1eravril, le linge sale en famille

Je me lĂšve avant 6h00 aprĂšs une nuit agitĂ©e : trop de dĂ©ca ? Pas assez d’exercice, certainement !

CB va travailler cet aprĂšs-midi Ă  la blanchisserie de l’hĂŽpital. Elle fera de mĂȘme les prochains jours fĂ©riĂ©s (dont le vendredi Saint, fĂ©riĂ© en Alsace et Moselle) pour supplĂ©er le manque de bras : en temps ordinaire, la blanchisserie n’est pas ouverte le week-end.

Je reçois un appel d’une collĂšgue : nous remplissons en commun le dossier de demande d’hĂ©bergement d’une personne qui va ĂȘtre libĂ©rĂ©e prochainement. AprĂšs des annĂ©es de dĂ©tention, elle n’a plus aucun point de chute. C’est une situation trĂšs problĂ©matique, avec des tenants sociaux et mĂ©dicaux. Nous travaillons en Ă©troite collaboration avec la Juge d’application des peines et le SIAO, organisme chargĂ© de gĂ©rer l’accĂšs au logement des personnes sans abri (plus connu sous son numĂ©ro d’appel : le « 115 Â»).

Dans la matinĂ©e, je rĂ©dige (trop) rapidement les chroniques des jours 5 Ă  10 du confinement, avant de m’attaquer aux nouvelles Ă  livrer ces prochains jours. Il y a un appel Ă  textes sur l’automne qui devrait dĂ©boucher sur un recueil. J’adapte une nouvelle Ă©crite derniĂšrement pour un jeu littĂ©raire entre membres du site « Maux d’auteurs Â».

Je passe un petit coup de balai et de serpilliĂšre (ou bĂąche, since, estrasse, loque, loque Ă  reloqueter, moppe, vadrouille, panosse, patte, peille, piĂšce Ă  frotter, torchon, toile Ă  laver, wassingue, c’est comme vous voulez).Ensuite tournĂ©e de lessive et quelques photographies pour alimenter cette chronique. Il fait soleil et plutĂŽt doux, le vent s’est affaibli.

Pendant le repas, ma fille et moi Ă©coutons les informations sur France Inter. J’essaie de le faire chaque jour, Ă  13h00 et 19h00.

AprĂšs que nous ayons dĂ©barrassĂ© la table, S va Ă©tendre le linge et je reprends mon travail Ă  l’ordinateur. Les chroniques 1 Ă  6 ont Ă©tĂ© mises en ligne, il faut que je fournisse !

Comme chaque fois que CB travaille Ă  la lingerie, elle rentre plus tard et je vais marcher avec ma fille. En rentrant, je prĂ©pare le poulet et les patates au four pour le repas du soir. S prĂ©parera le sien de son cĂŽtĂ© : elle est vĂ©gĂ©tarienne.

Dans la soirĂ©e CB m’annonce que sa mĂšre a fait un malaise, elle est hospitalisĂ©e. Toute sa famille est sur le qui-vive.

AprĂšs que nous ayons regardĂ© un nouvel Ă©pisode de notre sĂ©rie, je retouche :

— une nouvelle de « hard science-fiction Â» pour participer au concours de PrĂ©sence d’Esprits. Leur concours prĂ©cĂ©dent m’avait valu un deuxiĂšme prix et une Ă©dition dans la revue AOC.

— une nouvelle de science-fiction parodique pour le concours de la revue Le Faune, Ă  laquelle je vais Ă©galement proposer des photographies sous le nom de Sarcignan

Photographie : JournĂ©e blanchisserie pour CB comme pour ma fille et moi !

16e jour – mardi 31 mars, nouvelle peu convaincante

LevĂ© avant CB, je petit-dĂ©jeune avec elle. J’ai la nouvelle pour BĂ©ziers Ă  finir d’écrire dans la journĂ©e.

Ma collĂšgue du SPIP me fait parvenir une lettre Ă  mon attention de la part d’un dĂ©tenu.

Il fait beau, trĂšs beau mĂȘme, mais le temps reste frais : moins de 10°C.

Je me concentre sur la nouvelle dont je termine le premier jet peu aprùs le repas pris en commun avec ma fille. En attendant que CB puisse la relire, je retouche une autre histoire pour un appel à textes sur l’automne.

Je reçois un courriel de l’association BienVenus sur Mars : ma nouvelle « Dans les limbes Â» est retenue parmi les 14 de l’anthologie « Âż RĂ©versible / IrrĂ©versible ? Â» Ă  paraĂźtre dans quelques semaines.

CB rentre de travail, nous partons marcher une heure. Elle continue Ă  tĂ©lĂ©phoner et recevoir des appels concernant sa mĂšre et les actions Ă  mettre en place. Nous avons quand mĂȘme le temps de discuter de ma nouvelle pour BĂ©ziers, qu’elle trouve peu convaincante. Nous mettons au point quelques Ă©lĂ©ments pour l’amĂ©liorer.

Photographie : Les crapauds font la cour Ă  CB, mais c’est moi son prince charmant !

15e jour – lundi 30 mars, et Pourtant

Au matin, entretien tĂ©lĂ©phonique avec ma collĂšgue de permanence Ă  la prison. Elle va de nouveau en dĂ©tention faire des entretiens professionnels : nous avons une allocation de masques. Elle a besoin de renseignements concernant une personne que j’accompagne, je lui donne mes codes pour qu’elle puisse accĂ©der Ă  mon environnement informatique.

Pour rĂ©pondre Ă  des concours, j’envoie deux « vieilles Â» nouvelles aprĂšs les avoir adaptĂ©es aux contraintes de taille et de thĂšme. Je progresse Ă©galement dans l’écriture d’une histoire rĂ©pondant Ă  un appel Ă  textes du Festival fantastique de BĂ©ziers pour
 demain ! Le thĂšme : le fantastique et la mer !

AprĂšs la marche rituelle avec CB, je reçois un courriel de l’animateur de la revue « Pourtant Â» qui me propose de publier en ligne un journal de confinement contenant un texte et une photo par jour. Je suis surpris, n’ayant jamais fait cela, mais j’accepte d’autant plus facilement que :

— j’ai pris des notes depuis le premier jour ;

— mon appareil photo s’endort depuis quelques semaines !

J’envoie une premiĂšre proposition dans la soirĂ©e.

La radio m’informe des premiers dĂ©cĂšs liĂ©s Ă  l’automĂ©dication Ă  la chloroquine. Je suis abasourdi : comment peut-on ĂȘtre aussi stupide ?

CB continue à passer du temps au téléphone avec sa famille. Elle pense que sa mÚre, trÚs affaiblie par sa leucémie, vit ses derniers jours.

Elle appelle ensuite une amie, cadre supérieur au CHU de Bordeaux à qui elle fait part de la situation à Colmar. Elle lui permet ainsi de se faire une idée de ce qui les attend dans quelques jours, quelques semaines.

Nous décompressons ensuite en regardant, comme tous les soirs en semaine, un épisode de Agent Carter.

Photographie : Terre de frontiĂšres et d’échanges, l’Alsace manque de mystĂšres. Nous avons donc crĂ©Ă© nous mĂȘmes notre (petit) Stonehenge.

14e jour – dimanche 29 mars, vivre de son art

Temps froid et humide. Pourquoi faut-il que cela se gĂąte au moment du week-end ?

CB peint, elle est heureuse. Ne le rĂ©pĂ©tez pas, mais finalement, je m’adapte trĂšs bien Ă  cette situation Ă©trange. Nous avons la chance d’avoir un jardin, d’ĂȘtre entourĂ©s de champs, riviĂšre et forĂȘt et, n’ayant ni animaux ni enfants en bas Ăąge Ă  domicile, nos contraintes sont faibles !

Certes, nous ne pouvons plus sillonner la rĂ©gion et ses musĂ©es, salles de cinĂ©ma et de thĂ©Ăątre, ni passer nos samedis soirs Ă  jouer au tarot avec des potes jusqu’à deux heures du matin.

Mes journĂ©es ressemblent Ă  ce que je ferais probablement si j’étais – comme dans mes rĂȘves les plus fous – un Ă©crivain-photographe vivant de son art ! C’est artificiel et ça ne durera pas, mais quelle sensation agrĂ©able !

CB n’est probablement pas de cet avis : elle s’épuise au travail, elle va faire les courses seule alors que nous faisions toujours tout ensemble…

Journal de confinement de Sarcignan

Je termine en milieu d’aprĂšs-midi la nouvelle sur l’illettrisme. AprĂšs notre balade quasi-quotidienne, je la montre Ă  CB. Comme d’habitude, elle fait une premiĂšre correction centrĂ©e sur les fautes d’orthographe et les incohĂ©rences du rĂ©cit. Une fois ces modifications intĂ©grĂ©es, je transmets le texte Ă  DN qui vĂ©rifie syntaxe et conjugaison.

Je suis trĂšs fier : mes deux lectrices trouvent l’histoire trĂšs amusante, trĂšs rĂ©ussie. L’acharnement a payĂ© ! J’expĂ©die la nouvelle Ă  l’organisateur dans la soirĂ©e, tout juste dans les dĂ©lais.

Photographie : J’apprends Ă  regarder mon intĂ©rieur avec un Ɠil neuf.

13e jour – samedi 28 mars, L’illettrisme dĂ©masquĂ© ?

Il y a des effets positifs à cette épidémie.

Par exemple, depuis quelques semaines, nos amis et nos parents savent nous situer sur la carte de France ! Jusque lĂ , Colmar, Mulhouse, cela ne leur parlait pas.

Mais je me demande si cela va pour autant leur donner l’envie de venir nous visiter plus souvent


Journal de confinement de Sarcignan

Je m’interroge beaucoup, comme bien des personnes, sur l’aprĂšs confinement. Écologiste, j’entends les informations qui signalent que la pollution baisse en mĂȘme temps que l’activitĂ© Ă©conomique. Solidaire, je me dis que ce qui se met en place pour aider les familles et les petites entreprises se rapproche de la notion de revenu universel. Serons-nous capable de poursuivre la mutation ? Pourrons-nous amener chacun Ă  ne plus travailler pour produire des saloperies en plastique, des missiles ou des EPR ? A ne plus accepter des boulots fractionnĂ©s, prĂ©caires et mal payĂ©s alors qu’ils sont essentiels, comme on le voit aujourd’hui : soins et aide Ă  domicile, distribution du courrier, commerces de proximitĂ©, animateurs, travailleurs sociaux, artistes.

Garderons-nous le rythme d’une heure de promenade par jour, si bon pour la santĂ© et pour saluer nos voisins, mĂȘme de loin ?

Ça y est, j’ai trouvĂ© une trame pour la nouvelle sur l’illettrisme. Le hĂ©ros de l’histoire, pas bĂȘte mais ne sachant pas bien lire — ce qu’il cache Ă  son entourage — se retrouve dans des situations complexes oĂč son handicap l’amĂšne Ă  faire des erreurs de plus en plus catastrophiques. Elles sĂšment la mort et la dĂ©solation sans qu’il en ait bien conscience. Il n’y a plus qu’à l’écrire et Ă  la faire relire. Il me reste moins de deux jours !

Photo : Un masque a Ă©tĂ© jetĂ© dans le caniveau, devant l’arrĂȘt de bus.

12e jour – vendredi 27 mars, le deuxiùme effet Pangolin

Je me lĂšve tĂŽt pour prĂ©parer le cafĂ© (dĂ©ca pour moi, santĂ© oblige) et prendre le petit dĂ©jeuner avec CB qui, comme tous les matins, va sauver la France. Ouvrant ma messagerie, je vois :

— que ma collĂšgue de permanence me demande de faire une rĂ©ponse Ă  un dĂ©tenu qui veut savoir oĂč en est son projet d’amĂ©nagement de peine. Je rĂ©dige une rĂ©ponse pour lui expliquer que tout est au point mort et que cela ne va pas bouger avant longtemps.

— que les Éditions du Pangolin m’ont envoyĂ© un message Ă  2h du matin (heure d’Enghien, Belgique). Ils me demandent mon adresse afin de m’envoyer mon exemplaire du recueil de nouvelles dont je ne sais ni le titre, ni l’apparence : leur site Internet est endormi.

L’épidĂ©mie met en danger beaucoup de petits Ă©diteurs qui ont comme principaux lieux de vente les foires et salons du livre et les librairies avec lesquelles ils entretiennent des relations au quotidien.

S’il vous plaĂźt : n’achetez pas sur nozamA, allez sur les sites des Ă©diteurs et des libraires !

AprĂšs-midi mĂ©nage, avec l’aide de ma fille, et repassage : la pile de linge commençait Ă  vaciller, menaçant de nous ensevelir. 

Lors de la marche de fin de journĂ©e avec CB, nous sommes contrĂŽlĂ©s par deux jeunes et beaux gendarmes en treillis et gilet pare-balles. Je rĂ©ussis Ă  ne pas retrouver mon attestation, que j’avais pourtant sur moi. Du pur Sarcignan, ça. Pour faire diversion, CB leur fait son numĂ©ro : “Je rentre juste de l’hĂŽpital de Colmar, je sors de suite avec mon mari qui doit marcher rĂ©guliĂšrement car il est cardiaque, blabla”. Ils la questionne aimablement sur son travail, quand un motard fait demi-tour en les voyant. Les deux militaires nous disent d’y aller avant de grimper dans leur 4×4 low-cost.

C’est lĂ  que je retrouve mon attestation. 

Et pour l’illettrisme ? Eh bien, euh, j’ai jusqu’au 29 pour rendre ma copie, non ?

Photographie : Quand les livres sont inaccessibles, l’illettrisme est garanti. Mais nozamA n’est pas la solution !

11e jour – jeudi 26 mars, une dent contre le systùme

Aujourd’hui, moment mĂ©morable (aprĂšs coup) : dans une rĂ©gion dĂ©vastĂ©e par l’épidĂ©mie, au sein d’un hĂŽpital dĂ©bordĂ© par les malades du coronavirus, je me rends aux urgences dentaires ! Pour une fois que je sors de mon coconfinement ! Mais l’anxieux que je suis est vite rassurĂ© : secrĂ©taires mĂ©dicales, personnel soignant, chirurgiens-dentistes, tout le monde est masquĂ©, gantĂ©, et il y a des pschitteurs hydroalcooliques dans tous les coins. Dans le respect de la distance sociale, je suis bien accueilli et bien traitĂ©. Je les applaudirais bien le soir sur mon balcon, si j’avais un balcon et si je ne ne trouvais pas ça hypocrite de la part de gens qui critiquent les services publics Ă  longueur d’annĂ©e.

J’espĂšre que, dĂ©sormais, je vais pouvoir manger normalement et vivre sans maux de tĂȘte.

Autre Ă©vĂšnement de la journĂ©e, bien plus sĂ©rieux : le G20 dĂ©bloque 5.000 milliards de dollars pour soutenir l’économie mondiale. Cinq mille milliards. Pour l’économie. Vous ne voyez pas le problĂšme ? Cherchez un peu sur Internet :

— Avec 270 milliards, on mettrait fin dĂ©finitivement Ă  la faim dans le monde.

— En mettant 200 milliards de plus par an dans les soins de santĂ© primaire des pays Ă  revenu faible ou intermĂ©diaire, on sauverait 60 millions de vies et allongerait de 3,7 ans l’espĂ©rance de vie moyenne d’ici Ă  2030.

— Avec seulement 40 milliards de plus par an, on rĂ©glerait l’accĂšs Ă  l’éducation pour tous. 

— Avec 53 milliards par an pendant 5 ans, on rĂ©glerait le problĂšme des populations qui n’ont pas accĂšs Ă  l’eau potable


L’argent est lĂ , ce sont les choix que nous faisons, ou nos reprĂ©sentants – ce qui revient au mĂȘme – qui ne sont pas bons.

Et pour l’illettrisme ? Euh
 j’y pense, j’y pense. Tout le temps.

Photographie : Le coin repas aux couleurs de Mondrian

Lire cette chronique Ă  partir du 40e, 30e, 20e, 10e, 1er jour.

10e jour – mercredi 25 mars, livraison de vin

La matinĂ©e commence avec un appel de mon ami M, grossiste en boissons et fin connaisseur de vins. Ses employĂ©s sont confinĂ©s, il travaille seul pour faire des livraisons Ă  domicile. C’est l’un de mes lecteurs assidus : il veut que je lui envoie de nouvelles histoires ! En gĂ©nĂ©ral, je ne fais lire Ă  mes amis que les histoires qui ont Ă©tĂ© rĂ©compensĂ©es ou imprimĂ©es : j’estime que celles qui n’ont pas franchi ce cap doivent ĂȘtre retravaillĂ©es.

Le confinement serait portĂ© Ă  6 semaines ? Je ne peux pas rester aussi longtemps avec ma dent en souffrance ! Suivant les conseils de CB, je tĂ©lĂ©phone Ă  mon dentiste (qui ne rĂ©pond pas) puis au Centre Dentaire Mutualiste. Mon interlocuteur m’interroge et planifie un rendez-vous pour le lendemain matin aux urgences dentaires de Colmar.

On me signale un « concours de circonstance » : 72 heures pour Ă©crire une nouvelle de 8 000 caractĂšres sur le thĂšme « Un peu d’air ». J’ai le texte qui va bien : « Les Ăźles du Salut » que je raccourcis et renomme en « L’air du large ». C’est ma seule nouvelle qui soit directement inspirĂ©e par mon travail en prison. Elle est en accĂšs libre : https://short-edition.com/fr/oeuvre/tres-tres-court/lair-du-large

J’ai le projet de faire du repassage mais
 je suis contactĂ© par la revue « Pourtant », intĂ©ressĂ©e par un montage photographique que je leur avais proposĂ©. Je dois refaire le montage, le premier n’étant pas suffisamment dimensionnĂ© pour une impression sur papier.

Le soir, nous regardons le premier Ă©pisode de la deuxiĂšme saison de « Agent Carter Â». La premiĂšre saison nous a bien plu : c’est simple et vif comme une bande dessinĂ©e et plutĂŽt fĂ©ministe. TrĂšs bien pour penser Ă  autre chose qu’au virus !

Photo : L’étiquette de la bouteille que M nous a offerte pour notre mariage en novembre dernier (il Ă©tait mon tĂ©moin). Ce vin avait le mĂȘme Ăąge que CB et moi !

9e jour – mardi 24 mars, l’illettrisme vu des Vosges

J’ai toujours mal Ă  la tĂȘte et aux dents. La douleur est devenue une constante, un phĂ©nomĂšne auquel je m’accoutume, comme je m’accoutume Ă  la peur du virus et aux contraintes qu’il nous impose.

Une collĂšgue m’a fait parvenir par courriel la lettre qu’une personne dĂ©tenue a Ă©crite Ă  mon attention. Je rĂ©dige une rĂ©ponse qu’elle lui transmettra par le courrier interne de la prison. MĂȘme en temps ordinaire, une bonne partie des relations entre Conseillers pĂ©nitentiaires et dĂ©tenus se fait par courrier : nous n’aurions pas le temps de les rencontrer Ă  chaque demande de leur part.

Je n’arrive toujours pas Ă  dĂ©marrer l’histoire sur l’illettrisme. Pour ne pas rester sans produire, j’adapte des nouvelles existantes pour les prochains appels Ă  textes. Depuis que je me suis mis Ă  Ă©crire, en 2018, j’en ai crĂ©Ă© une soixantaine. Si on enlĂšve celles qui ont Ă©tĂ© primĂ©es ou Ă©ditĂ©es, il m’en reste plus de quarante disponibles pour ĂȘtre retravaillĂ©es.

J’ai une pensĂ©e pour Uderzo dont on vient d’apprendre la mort : ma premiĂšre nouvelle Ă  avoir remportĂ© un concours, le « Combat des chefs Â», Ă©tait truffĂ©e d’allusions aux aventures d’AstĂ©rix.

Je croise peu ma fille, qui se confine d’elle-mĂȘme dans sa chambre et prĂ©pare – ou pas – ses examens universitaires.

Je fais une marche en solitaire car CB rentre plus tard que d’habitude. DĂšs qu’elle est lĂ , elle s’occupe de sa mĂšre
 au tĂ©lĂ©phone. Nous appelons d’autres amis, dont DN, ma seconde correctrice, toujours en convalescence du Covid-19.

AprĂšs le repas, nous regardons le dĂ©but de « Le diable par la queue Â» mais CB, fatiguĂ©e, va se coucher.

Je retourne Ă  mon ordinateur pour allonger une petite nouvelle afin de la prĂ©senter Ă  l’appel des Ă©ditions Flatland sur le thĂšme des robots qui ont pris le pouvoir.

Et je reviens Ă  l’illettrisme qui, dĂ©cidĂ©ment, me pose problĂšme, peut-ĂȘtre parce que j’y suis confrontĂ© rĂ©guliĂšrement dans mon travail.

Photo : au matin, vue sur les Vosges depuis la fenĂȘtre de la salle de bain.

8e jour – Lundi 23 mars, le syndrome du touret

J’ai tellement mal Ă  la dent que j’en fais une cĂ©phalĂ©e. La douleur ne fait qu’ajouter au stress : l’inquiĂ©tude me gagne comme elle gagne beaucoup de monde. Comment cela va-t-il finir ? Nous Ă©changeons beaucoup de messages et d’appels, prenant soin – Ă  distance – de nos proches.

Mon appareil photo dort dans un coin. Il me tarde de parcourir Ă  nouveaux des paysages urbains. Je vis Ă  la campagne, certes, mais c’est la ville que j’aime photographier !

Je me remets Ă  la nouvelle sur l’illettrisme, sans trouver le fil conducteur. Cela arrive, parfois, que le dĂ©clic ne vienne pas. En gĂ©nĂ©ral, je m’efforce d’écrire quand mĂȘme, me disant que c’est l’apprentissage qui continue (cela ne fait que deux ans que j’écris vraiment et qu’une semaine que je le fais Ă  plein temps).

Ce soir, nous continuons notre cycle Denys Arcand avec « La chute de l’empire amĂ©ricain Â». Nous abandonnons au bout d’une demi-heure : nous n’arrivons pas Ă  nous intĂ©resser Ă  l’histoire. Est-ce le film, est-ce nous ?

Photo : un autre coin de notre jardin, avec le composteur et le mirabellier. Il va ĂȘtre temps de rĂ©pandre le compost dans le mini-potager.

7e jour – dimanche 22 mars, CB peint

Mettant de l’ordre dans mes messageries, je tombe sur un vieux courriel de ma mĂšre contenant un lien vers le site Radiogarden qui permet de se connecter Ă  des milliers de stations de radio, placĂ©es sur la mappemonde. J’envoie le lien Ă  quelques ami-es : c’est du voyage garanti en ce temps d’immobilitĂ©.

Je reçois un aimable message des Éditions du Sonneur qui refusent mon recueil de nouvelles sur fond de PremiĂšre Guerre mondiale. Un autre message, de la Galerie de la PrĂ©sidence, contient un lien vers un petit film rĂ©alisĂ© lors de l’exposition Ă©courtĂ©e de Marcel Gromaire au musĂ©e de la Piscine de Roubaix. Nous y Ă©tions invitĂ©s
 ce sera pour une autre fois. Heureusement que nous sommes allĂ©s voir celle de Honfleur, en novembre dernier !

CB trouve enfin le temps de peindre. Elle est Ă  cĂŽtĂ© de moi, en blouse blanche – ce qui ne la change pas du travail !

A la demande de Sylvain Lamur, auteur et anthologiste, je rĂ©dige quelques lignes de prĂ©sentation de ma nouvelle « Le spitzballer Â». Je l’ai Ă©crite exprĂšs pour l’appel Ă  texte « Sports & Loisirs Â» des Éditions RiviĂšre Blanche. On y retrouve les Kanamites anthropophages, personnages rĂ©currents dans mes histoires de SF. Je les ai empruntĂ©s Ă  Damon Knight (« Pour servir l’homme Â», 1950).

Ce soir, nous regardons la suite du DĂ©clin : « Les invasions barbares Â».

Photo : l’atelier de peinture de CB et, en arriĂšre plan, son bureau.

6e jour – samedi 21 mars, « Le DĂ©clin de l’Empire amĂ©ricain Â»

JournĂ©e grisĂątre. Je stresse. J’ai mal aux dents. J’ai peur. L’ñge moyen des victimes est passĂ© en dessous de 60 ans, il y en a eu une centaine aujourd’hui. J’ai peur du travail de CB. J’ai peur de ne pas survivre si j’attrape le virus. Je lui en parle, elle essaie de me rassurer en me parlant des prĂ©cautions qu’elle prend.

Ce week-end, j’avais prĂ©vu d’ĂȘtre comme l’annĂ©e derniĂšre au Salon du livre de Paris. En 2019, c’était pour la sortie de l’anthologie « Revenir de l’avenir Â» dans laquelle se trouve ma nouvelle « Au temps pour moi Â». Cette annĂ©e, c’est Somnambules Éditions qui devait sortir le recueil « L’heure des ombres Â» qui se conclut par ma nouvelle « CrĂ©puscule Â». Tant pis.

Je dĂ©cide d’abandonner mon projet de poĂšmes – je ne sais vraiment pas faire de la poĂ©sie – et de reprendre le texte sur l’illettrisme. Je vais m’inspirer d’une nouvelle de Sheckley et essayer de donner un cĂŽtĂ© comique Ă  mon histoire.

AprÚs le repas de midi, petite marche avec CB. Il fait froid et il y a du vent. Nous dérangeons deux chevreuils qui détalent à travers un champ retourné.

Plus tard dans l’aprĂšs-midi, je dĂ©cide Ă  nouveau de laisser tomber cette histoire d’illettrisme qui me prend la tĂȘte. Mais d’écrire ces quelques mots me stimule Ă  nouveau. Le temps presse : c’est pour le 29 mars. Or j’ai une autre nouvelle, Ă  peine Ă©bauchĂ©e, Ă  rendre pour le 30 (thĂšme : le fantastique et la mer) et une histoire sur la domination des robots pour le 31 !

Le soir, nous regardons « Le DĂ©clin de l’Empire amĂ©ricain Â».

Photographie : La grenouille thermomĂštre le dit : il fait beau, mais froid !

5e jour – vendredi 20 mars, Macron au bord des larmes

Hier, Macron a fait un discours trĂšs intĂ©ressant. Au bord des larmes quand il remerciait les soignants, dont ses prĂ©dĂ©cesseurs et lui-mĂȘme n’ont cessĂ© de casser l’outil et les conditions de travail, il a effleurĂ© l’idĂ©e que la mondialisation n’était pas toujours la bonne solution et que certaines activitĂ©s et productions devraient ĂȘtre relocalisĂ©es et dĂ©-privatisĂ©es. Bien sĂ»r, il n’en fera rien, mais nous, nous pouvons l’obtenir.

Une collĂšgue de CB est passĂ©e la prendre, je dispose ainsi de la voiture pour aller chercher ma fille Ă  l’aĂ©roport de BĂąle. J’en profite pour passer Ă  la poste afin d’envoyer une nouvelle pour un concours – certains organisateurs sont encore rĂ©fractaires aux courriels, j’imagine que ça leur Ă©vite d’ĂȘtre submergĂ©s d’envois de textes rĂ©digĂ©s Ă  la va-vite. Je fais aussi quelques courses. Les rayons sont peu garnis, les clients suspicieux et les caissiĂšres inquiĂštes.

Je suis Ă  l’aĂ©roport Ă  13h30, avec une attestation pour S et une pour moi. Elle monte Ă  l’arriĂšre de la voiture. ArrivĂ©e Ă  la maison, elle dĂ©fait sa valise et reprend possession de sa chambre.

Il fait trĂšs beau, les tondeuses s’ébrouent dans chaque jardin. Sauf le nĂŽtre, qui ne ressemblera jamais Ă  un jardin alsacien !

Je dĂ©cide d’abandonner le texte sur l’illettrisme et, stimulĂ© par le printemps des poĂštes, j’envisage de faire un poĂšme par jour de confinement pour le concours de Dijon. J’ai dĂ©jĂ  trois jours de retard !

Photographie : Un coin de notre jardin. L’hĂŽtel Ă  insectes a Ă©tĂ© fabriquĂ© par des dĂ©tenus. Contre le touret repose Markus, une copie rĂ©duite du Mimi du Domaine de KerguĂ©hennec. ConstituĂ© de briques prĂ©levĂ©es dans des usines dĂ©saffectĂ©es de Mulhouse, Markus est le rĂ©sultat d’un projet artistique qui n’a pas abouti (https://sarcignan.zenfolio.com/p348736172)

4e jour – jeudi 19 mars, mal de dent

Appel d’une collĂšgue de la prison. Pour le moment la situation est tenable, mais c’est fragile. Pour faciliter la vie des dĂ©tenus, la tĂ©lĂ©vision va ĂȘtre gratuite et le tĂ©lĂ©phone moins cher. Tout le monde est inquiet.

— Les dĂ©tenus voient disparaĂźtre le peu d’occasions qu’ils ont de sortir de leurs cellules : travail, cours, entretiens avec les professionnels, parloirs avec les familles. Les murs se resserrent autour d’eux.

— Les surveillants anticipent une montĂ©e en tension alors mĂȘme que leurs effectifs baissent, soit par maladie soit pour garder les enfants.

Je passe la matinĂ©e Ă  essayer d’inventer une histoire pour un concours sur l’illettrisme. Le genre imposĂ© est « SFFF Â» : science-fiction, fantastique ou fantasy. HabituĂ© Ă  me compliquer la tĂąche, j’envisage d’en faire deux versions, une qui se passe pendant la PremiĂšre guerre mondiale sur l’üle de la RĂ©union et l’autre sur une petite planĂšte isolĂ©e de l’Empire galactique


Une molaire me fait trùs mal, je mange difficilement, mais je me dis que je peux attendre la fin des 15 jours de confinement avant d’aller me faire soigner.

Photographie : Le tableau oĂč nous mettons les places de concert et de thĂ©Ăątre en attente. Rien que cette semaine nous allons rater Souchon au ZĂ©nith de Strasbourg, Coutin et Margerin au Grillen de Colmar et Personne Ă  la Laiterie de Strasbourg.

3e jour – mercredi 18 mars, anniversaire de CB

CB est cadre-formateur d’infirmiers-Ăšres. Dans le contexte d’engorgement des hĂŽpitaux de la rĂ©gion, elle prĂȘte parfois main-forte aux autres secteurs. Elle ne peut pas aller en service de rĂ©animation oĂč l’on ne prend pas de personnel non directement opĂ©rationnel et va plier des vĂȘtements Ă  la blanchisserie de l’établissement.

Il fait beau. J’ai changĂ© les draps dans la chambre d’amis qui va redevenir celle de ma fille S : l’UniversitĂ© de Dublin ferme et elle revient vendredi en avion. Elle passera ses examens par Internet.

Au retour de CB, nous faisons notre marche quotidienne, sans les attestations que nous avons oubliĂ©es. En rentrant, j’appelle ma deuxiĂšme correctrice pour une nouvelle Ă  envoyer avant le 20. C’est une histoire extraite d’une nouvelle plus longue, dans laquelle je fais se rencontrer Marie Marvingt et Louis Aragon.

CB appelle les diffĂ©rents membres de sa famille. Sa mĂšre est trĂšs malade et pourrait succomber au Covid-19 si elle l’attrapait.

Nous fĂȘtons l’anniversaire de CB avec un repas d’endives braisĂ©es et noix de Saint-Jacques, cĂŽte-de-blaye et moelleux au chocolat. Nous devions aller voir Souchon Ă  Strasbourg avec des amis, ce sera canapĂ© devant un Ă©pisode de « Agent Carter Â».

Photographie : CB au téléphone avec sa famille, essayant de gérer la situation de sa mÚre qui habite habite à 900 km

2e jour – mardi 17 mars, les Éditions
 du Pangolin !

CB part tĂŽt au travail. Ma matinĂ©e commence par un long Ă©change tĂ©lĂ©phonique avec une collĂšgue du Service pĂ©nitentiaire d’insertion et de probation (SPIP). Elle m’apprend la nouvelle organisation mise en place pendant l’épidĂ©mie : dĂ©sormais, la continuitĂ© de service sera assurĂ©e Ă  tour de rĂŽle par une seule ConseillĂšre. Je peux l’écrire au fĂ©minin : je suis le seul homme du service.

Ensuite, je mets de la musique – j’ai ma play-list pop-rock-blues – et attaque le travail « personnel Â». CB (qui, en plus d’ĂȘtre ma compagne, est ma correctrice de premier niveau) m’a proposĂ© des corrections sur une nouvelle dont le thĂšme est : « tout tenter Â». J’envoie ensuite le texte corrigĂ© Ă  notre amie DN, qui est ma seconde correctrice. Elle est confinĂ©e depuis quelques jours dĂ©jĂ  : elle a attrapĂ© le virus et nous la contactons rĂ©guliĂšrement pour prendre de ses nouvelles.

Je continue Ă  travailler sur d’autres textes jusqu’au retour du travail de CB. Nous sortons marcher une heure autour du village. Il fait beau et froid, venteux. Au retour, je lis mes courriels : ma nouvelle «  Casting Â», sur le thĂšme des violences faites aux femmes, a Ă©tĂ© acceptĂ©e par les Éditions
 du Pangolin !

Photographie : Le bureau d’oĂč j’écris cette chronique est situĂ© dans notre sĂ©jour. Il tourne le dos Ă  celui de CB.

1er jour de confinement – lundi 16 mars

Au lendemain d’un superbe week-end en amoureux en Allemagne, le beau temps perdure et je me rends Ă  la prison Ă  vĂ©lo. J’y suis Conseiller pĂ©nitentiaire d’insertion et de probation (CPIP).

Nous ne nous demandons pas longtemps comment va ĂȘtre gĂ©rĂ©e l’épidĂ©mie de coronavirus : les premiĂšres directives nationales nous parviennent dans le courant de la matinĂ©e. Je fais partie des personnes identifiĂ©es comme fragiles face au virus, je dois quitter l’établissement et rentrer chez moi pour une durĂ©e inconnue.

Cela me met un peu mal Ă  l’aise : j’ai l’impression de dĂ©serter alors que nous sommes dĂ©bordĂ©s par le travail – comme toutes les structures, publiques ou associatives, qui travaillent dans le social. Je range mon bureau, fais des adieux embarrassĂ©s Ă  mes collĂšgues qui me rassurent : elles prĂ©fĂšrent me savoir Ă  l’abri.

Quand CB, ma compagne, rentre en fin de journĂ©e, nous discutons de la situation. Elle travaille Ă  l’hĂŽpital de Colmar oĂč la situation est grave : la rĂ©gion est considĂ©rĂ©e comme l’un des deux principaux « clusters Â» (foyers d’infection) en France avec l’Oise. CB va continuer Ă  aller travailler, je me demande si elle ne va pas me contaminer. J’essaie de rester positif en me disant que je vais pouvoir profiter de cette pĂ©riode pour Ă©crire des nouvelles et progresser dans mes projets de romans.

Photographie : L’affiche que nous avons collĂ©e sur notre muret en hommage Ă  Higelin n’a pas supportĂ© l’hiver.


Tous les textes et photos de cette chronique sont de Sarcignan, sauf mention contraire pour quelques photos, en général de ses proches, CB ou S. Tous droits réservés, bien sûr ! Vous pouvez contacter Sarcignan via notre formulaire de contact.


Pandémie 2020, vies humaines
revue en ligne

par nos auteurs, photographes et nos invités

18 réponses sur « Foyer de contagion »

đŸ€”Je vais faire tout pareil ! Mince, j’ai 16 jours de retard, ça commence mal, je crois !!!
Merci Xavier, mais va falloir te faire une raison, l’illettrisme, c’est pas ton affaire, dĂ©solĂ©e😅
Vivement, le jour J du poisson😉

Sarcignan bonjour,
j’ai tout lu, j’ai apprĂ©ciĂ©, je suis maintenant abonnĂ©… donc…
j’attends la suite !
Nous avons des points communs comme le bien-ĂȘtre de la planĂšte par exemple, et… la photographie Ă©videmment. Ă  bientĂŽt alors… Jeanpierra

Oh! lĂ  lĂ  ! Onze jours, sans passer lire ton journal !
Suis trop occupée à confiner!
Toujours effarĂ©e pas la multitude d’ouvrages que tu entreprends en mĂȘme temps, c’est un travail cĂ©rĂ©bral Ă©norme.
Bon, j’ai votĂ© pour tes nouvelles « Au temps pour moi » et « L’air du large » que j’ai bien apprĂ©ciĂ©es +++
J’adore les photos qui agrĂ©mentent ton blog, merci pour celle de C. en mode «j’aime le blanc ».
Allez! continue!!!!

Mais que si!
Tu t’es lĂąchĂ© le 28Ăšme jour, tu en avais besoin et ça aura fait du bien Ă  d’autres.
Les points sur certains i, quand c’est bien dit… c’est bien!
Je ris (on va pas perdre l’humour tout de mĂȘme !) mais, tous ceux qui ne te connaissent pas, pourraient te trouver bien vĂ©nal Ă  tout le temps parler de ta CB 😀

Xavier, de mon cĂŽtĂ© ce confinement a Ă©galement un effet positif sur ma ligne, ceci sans autre effort de rĂ©gime qu’une vie rĂ©guliĂšre. J’ai presque retrouvĂ© mon Ă©tat normal perdu fin 2018 dĂ©but 2019.

Respect Xavier, le boulodrome est super bien nettoyĂ© … j’apporte cacahuĂštes & cochonnet ?
Merci de mettre les « pendules Ă  l’heure » (cf) le 1er mai et ce cher Gauguin romancĂ© !! (Je contribue Ă  Wiki, 20€ Ă  NoĂ«l !)
Quant Ă  tes revendications, ben j’adhĂšre bien Ă©videment, une certaine justice, quoi !

J’ai adorĂ© vous lire au jour le jour. Mon prĂ©fĂ©rĂ© : le 1er mai. Un journal qui respire la vie Ă  plein nez ! Et sans masque.

Sacré « coup de gueule » !
BourrĂ© de VĂ©ritĂ©s vraies et de subtilitĂ©s autant que d’évidences qu’il est si important d’écrire
 euh ! avec ta belle plume, qui ouvre Ă  une meilleure comprĂ©hension, il va s’en dire.

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