Avoir honte, puis « nourrir une fierté exagérée pour [s]on origine paysanne »… « Heureusement », note Gianmaria Testa, « le temps rend modéré, pas pour tout, mais du moins pour certaines bêtises. » J’aime les livres de la collection Ce que la vie signifie pour moi, des Éditions du Sonneur ; particulièrement le premier, qui a donné son nom à cette collection, un minuscule et magnifiquement synthétique récit de Jack London ; et particulièrement celui-ci, de l’auteur compositeur-interprète Gianmaria Testa.
L’amitié avec Jean-Claude Izzo
Recueil d’une douzaine de courts textes chacun en rapport avec certaines de ses chansons, qu’il a écrits peu avant sa mort, en 2016. Recueil d’amitié. Avec Martine Laval, qui dirige cette collection. Avec Jean-Claude Izzo, l’écrivain de la Méditerranée et de Marseille, décédé lui aussi bien trop tôt, à qui il consacre Ritals (page 82). Testa lui avait demandé une chanson, Izzo lui a envoyé par fax 3 semaines avant de partir l’un de ses derniers poèmes.
Plage du Prophète, à Marseille
pages 87-88
ils se sont arrêtés.
D’abord la fille aux yeux gris vert
des mers du Nord
et au sourire mûri sur les berges du Nil
L’ami ensuite
le poète des Hauts-Pays
attentif aux murmures des passeurs
sur les sentiers arides des exils
Le plus âgé enfin
homme aux semelles de vent
tantôt afghan, tantôt mongol
porté par des mondes d’hier entrevus
Plage du Prophète
ils ont portés leur pas
vers le soleil couchant
Gianmaria Testa n’a jamais chanté ce poème, parce que Jean-Claude Izzo n’aurait pu l’entendre. Et la fille aux yeux gris vert est Catherine, l’épouse de ce dernier. Une histoire d’amitié et de chansons, des chansons que l’on retrouve dans la bouche des héros d’Izzo.
Des récits sans sommaire
Dans ces récits sans table des matières pour les choisir, on se laisse aller au livre comme à ses chansons, Gianmaria Testa évoque sa chanson Les semeurs de blé et comment il a appris à semer le blé à la main, peut-être le travail le plus difficile qu’il ait eu à faire de sa vie. Un travail de reins, de mains et de terre.
Gianmaria Testa évoque le violoniste albanais Rrock Jakaj, croisé dans un spectacle où ils ont joué ensemble, et sans le savoir, alors qu’il venait de se tuer dans un accident. Un immigré en Italie.
Gianmaria Testa évoque Babasunde Nkemdilin, il évoque un Italo-Canadien de Montréal, un travailleur clandestin de San Martino dei Mulini, une fille morte de froid à Cueno qui va s’embarquer clandestinement pour Turin.
Il évoque Tino, ouvrier en 3×8 dans une usine de pneus, qui des années après revient à Lampedusa, espérant y retrouver cette femme avec qui il a traversé la Méditerranée dans la cale d’un chalutier.
Ils entament un dialogue, uniquement avec les yeux et quelques expressions du visage, mais un dialogue aussi vrai qu’impossible. Elle lui transmet une sorte de calme, une patience nouvelle.
[…]Les jours passent, certains meurent, tous sont en train de se déhydrater et la faim tenaille leurs estomacs. […] Quand ils ont débarqués, Tino a rassemblé toutes ses forces pour tendre la main à la femme et l’aider à descendre. Ce fut le premier — et le seul — contact physique qu’ils aient jamais eu.
pages 61 à 63
Gianmaria Testa évoque l’air de la Miniera.
Turin, une odeur de fer
Gianmaria évoque la première fois où il alla à Turin, à 6 ans.
De ce côté-ci de la mer est préfacé par Erri de Luca. Un ami encore. Gianmaria Testa parle des hommes et des femmes de l’autour de la Méditerranée, sans frontières. De peurs. D’espoir. D’amour. De musique. Dans ce livre bleu, il chante.
De ce côté-ci de la mer, Gianmaria Testa, préface Erri de Luca, traduction Danièle Valin, éd. du Sonneur
À propos de Miniera et des chants d’immigration italiens :
http://www.italie-infos.fr/chanson/chanson-par-theme2-emigrants.htm